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À Dieu ne plaise que nous rendions jamais aux princes de l’ancienne famille royale le mauvais service de conspirer pour eux ! Nous ne conspirons pas le retour de la monarchie, mais nous espérons que les lois qui interdisent le sol français aux princes de la maison de Bourbon seront bientôt abolies, et, en espérant cela, nous nous croyons beaucoup plus républicains que ceux qui s’imaginent que l’apparition d’un prince de la maison de Bourbon serait fatale à la république.

Dans un de ses derniers et de ses plus beaux discours, M. Guizot disait à M. Lherbette, qui blâmait le ministère d’avoir confié des emplois aux princes : « Mais quelle idée vous faites-vous donc du caractère des hommes, dès qu’ils approchent des princes ? Est-ce qu’il est entré dans les mœurs de notre temps qu’on ne puisse pas être à côté d’un prince sans l’injurier ou sans se mettre à ses pieds, sans tomber ou dans la servilité ou dans l’insolence ? » Ce que M. Guizot disait à M. Lherbette, nous le dirons avec bien plus de raison à la république : Quelle idée vous faites-vous donc des princes ? N’y a-t-il pas un milieu entre les adorer ou les proscrire ? Ne peuvent-ils pas être citoyens comme nous et jouir comme nous du sol et du ciel français ? Ah ! que dans une monarchie la maison royale victorieuse proscrive la maison royale vaincue, cela se conçoit : il y a là une couronne à disputer. Le gouvernement du pays étant une propriété, je comprends qu’on se dispute pour savoir qui sera le propriétaire ; mais, quand le gouvernement n’est plus une propriété particulière, quand le pouvoir n’appartient plus à personne, mais à tout le monde, pourquoi y aurait-il des prétendans au pouvoir, ou pourquoi seraient-ce ceux-ci plutôt que ceux-là, les princes plutôt que les généraux ou les orateurs ? Où il n’y a pas d’usurpateurs, il n’y a pas de prétendans. Or, en république, personne n’ayant usurpé le pouvoir, personne ne le revendique. Êtes-vous embarrassés de l’idée qu’il y aura des fils de rois qui siégeront sur les bancs de l’assemblée nationale ? Vous avez déjà cet embarras, et vous le supportez : il y a dans l’assemblée des fils de rois qui siégent à gauche, et d’autres qui siégent à droite. Cela gêne-t-il leurs collègues ? Les paroles de ces représentans nés dans la pourpre sonnent-elles autrement aux oreilles de l’assemblée que celles du premier venu d’entre nous ? ont-elles une autre valeur que celle de leur bon ou de leur mauvais sens ? Ne craignez donc pas l’entrée des princes dans l’assemblée. Nous concevrions que les princes hésitassent à y entrer : cela peut les diminuer aux yeux des cours européennes, puisque cela les mêle et les confond dans la foule ; mais nous ne concevons pas que la république les empêche d’y entrer. Les déclarer inéligibles, c’est les reconnaître princes. Quant à nous, le signe le plus certain de l’affermissement de la république sera de voir rentrés en France et entrant dans L’assemblée, si cela plaît aux électeurs, les princes de la maison de Bourbon.

Depuis le 13 juin, l’assemblée est calme. Plus de violences, sinon çà et là quelques colères qui veulent se racheter de l’humilité de la défaite. La loi qui suspend le droit de réunion a été votée. La loi sur La presse est présentée. La majorité est ferme et résolue. Le ministère n’hésite pas à proposer les mesures nécessaires au maintien de l’ordre. Le pouvoir législatif marche d’accord avec le pouvoir exécutif ; tout est régulier. Nous ne pouvons donc que nous applaudir de l’esprit qui anime les pouvoirs publics. Cela veut-il dire qu’un même sentiment anime toute la majorité, qu’il n’y a dans son sein ni médisance, ni