Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pareille se manifeste à Copenhague. Oui, nous le savons par des renseignemens certains, l’orage a éclaté aussi sur le gouvernement danois : on lui reproche un armistice qui est la honte du Danemark. Comment avez-vous pu, disent-ils, signer une convention qui amène l’Allemagne au cœur de nos provinces ? » Et reprenant avec une éloquente habileté les griefs des patriotes danois, il fait ressortir tous les avantages que l’Allemagne doit trouver à l’armistice. M. Bassermann n’avait que trop raison ; mais la passion sait-elle écouter et comprendre ? Sut-elle comprendre M. de Radowitz et M. de Beckcrath, l’un si lumineux, si droit, si grave, l’autre si pressant, malgré sa douceur habituelle, et si ardemment convaincu ? Le parti Dahlmann, le parti des professeurs, comme on l’a appelé, cette réunion de teutomanes qui jouera un rôle si fâcheux pendant les débats de la constitution, resta inflexible jusqu’au bout, et donna la victoire à la gauche : 238 voix contre 221 adoptèrent les conclusions de M. Dahlmann.

Le ministère était renversé, et M. Dahlmann avait reçu mission d’en recomposer un autre. Comment trouver cependant les élémens d’une administration sérieuse au milieu de cette majorité factice ? M. Dahlmann dut y renoncer bientôt. Il avait fait ce qu’il fera si souvent dans la dernière période du parlement de Francfort : il avait introduit dans les esprits une passion opiniâtre. Il avait créé le parti de la teutomanie, il avait désorganisé la majorité et le pouvoir ; ce pouvoir, il ne sut pas le prendre d’une main forte et réparer le mal qu’il avait causé. Cependant une nouvelle bataille parlementaire se préparait. Toutes les pièces relatives à l’armistice étaient imprimées ; on allait discuter, non plus seulement sur les mouvemens des troupes prussiennes, mais sur le sort même de la convention du 26 août. Faut-il approuver, faut-il rejeter l’armistice de Malmoe ? Cette question, on le comprend sans peine, était tout autrement grave que celle qui renversa le ministère après les débats du 5 septembre. Les adversaires de l’armistice proposaient purement et simplement la continuation de la guerre. Cette décision eût forcé le pouvoir central d’entrer en lutte avec la Prusse ; incapable d’engager cette lutte, dénué de tous moyens d’action, n’ayant ni armée ni finances, le pouvoir central n’avait plus qu’à choisir entre l’abdication ou un coup d’état, et l’assemblée devenait une convention révolutionnaire. M. Vogt ne dissimulait pas ses espérances : « On s’effraie, disait-il, de notre situation, si l’armistice est rejeté ! Notre situation sera celle de la France en 93 ; menacée comme nous au dedans et au dehors, elle s’appuya sur les forces populaires, elle créa des hommes, elle fit sortir de terre des armées, et l’Europe fut vaincue ! Seulement, ne l’oubliez pas, c’est une convention qui fit cela, et il n’y a qu’une convention qui puisse reproduire ces grandes choses ! » M. Vogt eût été bien maladroit de parler de la sorte, s’il ne s’était adressé surtout à la galerie et aux gens de la rue. C’était pour répondre à l’exaltation des