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convention où les avantages sont égaux de part et d’autre. Ce n’est pas même ce que vît l’orgueil teutonique ; il se crut vaincu, et sa rage fit explosion. Voyez monter à la tribune le vieux Dahlmann, le grave professeur de Goettingue et de Bonn, le sévère historien des révolutions d’Angleterre et de France, un des chefs du centre droit à l’église Saint-Paul. M. Dahlmann est Suédois par sa famille ; né en 1785 à Wismar dans le Mecklembourg, il appartient, par son éducation et les travaux de sa jeunesse, à cette colonie d’Allemands établie au sein du Danemark, et qui voudrait aujourd’hui reculer les frontières germaniques jusqu’au Jutland. Son oncle, le professeur Jensen, était établi à Copenhague, et lui-même il étudia dans cette ville au commencement du siècle. C’est à Copenhague aussi qu’il publia ses premiers écrits, et fit ses premiers pas dans la carrière de l’enseignement. En 1813, il fut appelé à l’université de Kiel, et depuis ce moment il ne cessa de prendre une part très active à tous les efforts du parti allemand dans le duché de Holstein. Il resta seize ans ; ce n’est qu’en 1829 qu’il fut nommé professeur à Goettingue. On voit que la question du Schleswig n’était pas nouvelle pour M. Dahlmann ; le vieillard croyait atteindre enfin le but qui avait passionné sa jeunesse. Quelle déception à la lecture de l’armistice du 26 août ! il monte à la tribune, et d’un ton grave, solennel, il prononce ces simples paroles : « Messieurs, vous avez appris officiellement les conditions de l’armistice ; je n’ai qu’une seule chose à vous rappeler : — Il n’y a pas encore trois mois, le 9 juin, ici, à l’église Saint-Paul, il a été décidé que, dans les affaires du Schleswig, l’honneur de l’Allemagne serait sauf ; — entendez-vous ? l’honneur de l’Allemagne ! » À ces mots, une émotion qu’on ne saurait rendre parcourt l’assemblée entière. Les uns veulent voter et rejeter par acclamations le traité du 26 août ; d’autres soit modération, soit désir de donner plus d’éclat et de solennité au vote, demandent le renvoi des pièces à une commission qui devra lire son rapport le lendemain.

La soirée fut inquiète ; les orateurs des clubs se déchaînaient contre le ministère, et l’on apercevait au milieu de l’effervescence publique quelques uns de ces signes orageux qui présagent les combats de la rue. Le lendemain 5 septembre, M. Dahlmann lit son rapport au nom de la commission ; il conclut à ce que tous les mouvemens des troupes prêtes à évacuer le Danemark soient immédiatement suspendus. Le ministère combat le rapport de M. Dahlmann, et M. de Schmerling en fait une question de cabinet. Cette menace n’arrête ni M. Dahlmann ni ses amis ; ils ne voient pas que la gauche est là, fort indifférente aux affaires du Schleswig et décidée à s’emparer de la victoire dans le seul intérêt des idées révolutionnaires. M. Bassermann cherche vainement à éclairer ce patriotisme aveugle. « Messieurs, s’écrie-t-il, peut-être qu’au moment même où vous nous donnez ce spectacle, une agitation