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l’Angleterre et de la Russie. D’après ce traité, les Prussiens devaient évacuer les duchés ; le gouvernement provisoire né de l’insurrection se retirait immédiatement, et l’administration était rétablie telle qu’elle existait avant la révolte. Le Danemark ne cédait que sur un point : il aurait voulu une administration spéciale pour chacun des duchés ; l’armistice donnait une administration commune aux duchés de Schleswig et de Holstein. On sait que cet armistice du 2 juillet, quoique signé par la Prusse, fut obstinément et insolemment rejeté par le général Wrangel, chef de l’armée prussienne[1]. Le général Wrangel avait-il reçu des instructions secrètes ? ou bien la Prusse, sincère dans ses négociations avec le Danemark, était-elle obligée, de plier devant un général qui en appelait au vicaire de l’empire ? L’explication, quelle qu’elle fût, ne pouvait être que fâcheuse pour le gouvernement prussien. Toujours est-il que l’audace du général Wrangel fournit aux ministres de l’archiduc Jean une triomphante attitude devant l’assemblée nationale. M. de Schmerling, alors ministre des affaires étrangères et M de Peucker, ministre de la guerre, répondirent victorieusement aux interpellations : l’armistice n’était pas reconnu, le général Wrangel annonçait au ministère de l’empire qu’il ne ratifierait jamais des conditions contraires à l’honneur et aux justes prétentions de la patrie allemande. C’est ainsi que le ministère de l’empire, c’est ainsi que des esprits éclairés et graves, M. de Schmerling, M. de Peucker, entretenaient dans cette assemblée déjà si ardente les exigences aveugles qui les renverseront bientôt eux-mêmes.

Le 26 août, après une intervention diplomatique de la France, qui donnait une autorité nouvelle aux puissances amies du Danemark, une convention fut signée entre le Danemark et la Prusse. Ce traité ne terminait pas, il s’en faut bien, la contestation des deux pays ; il accordait seulement une suspension d’armes de sept mois, et, quant à la situation des duchés pendant cet intervalle de temps, les intérêts des deux parties contractantes étaient équitablement ménagés. Cette nouvelle fut communiquée à l’assemblée nationale, le 4 septembre, par M. Heckscher, qui venait de remplacer M. de Schmerling aux affaires étrangères. Pour aller au-devant des interpellations, M. Heckscher lut le traité d’un bout à l’autre. À cette lecture, on le pense bien, l’indignation fut extrême. Le ministère payait la peine de ses fautes ; il avait exalté le patriotisme ombrageux du parlement : il avait promis la conquête des duchés aux hommes qui venaient de faire un nouveau partage de la Pologne, et maintenant que leur apporte-t-il ? — Une modeste

  1. Voyez, sur les détails de ces négociations, l’article très complet de M. H. Desprez, le Danemark et la Confédération germanique (Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1848). — et sur le fond du débat l’excellent travail de M. Alexandre Thomas, l’Agitation allemande et la Question danoise. (Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1846).