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eût songé à l’un de ses plus modestes enfans, à un vieillard tel que moi ; mais il y a des invitations auxquelles on ne peut se soustraire. Quand le pays nous appelle, c’est un devoir de lui consacrer nos derniers jours et nos derniers efforts. Voilà ce qui m’a décidé à accepter votre mandat, afin d’accomplir avec vous, avec des frères, une entreprise grande et sainte. Me voici ; je vous appartiens. » Les députations répondirent par des vivats qui furent entendus de la rue et répétés au loin. Alors les fenêtres s’ouvrirent, et le vicaire de l’empire parut au balcon. La foule avide put le contempler à l’aise ; sous ses cheveux blancs, son visage était encore plein de vie et de jeunesse ; un simple uniforme bleu et gris le distinguait de son entourage ; sa casquette militaire à la main, il saluait affectueusement ces milliers de spectateurs enivrés. Il fit signe qu’il voulait parler, et le silence s’établit. D’abord le prince salua les habitans de Francfort, et, répétant ce qu’il avait dit aux députés de l’assemblée, il s’exprima chaleureusement sur l’avenir de l’Allemagne. « J’atteindrai ce grand but, ajoutait-il en mettant la main sur le bras de M. de Gagern, j’atteindrai ce but glorieux, si les bons conseils et les bons appuis ne me manquent pas. Vive Francfort ! vive l’Allemagne ! » Alors commença le défilé de toutes les corporations, et ce furent jusque dans la nuit des danses, des concerts, des processions aux torches, des illuminations sans fin, toutes les fêtes et toutes les joies d’un triomphe.

Le lendemain 12 juillet, après un intéressant rapport de M. Heckscher sur le voyage de la commission à Vienne, le vicaire de l’empire, introduit par une députation de cinquante membres de l’assemblée, entrait à l’église Saint-Paul, et prenait place sur un siége d’honneur. M. de Gagern, président de l’assemblée, lui adressa la parole en ces termes : « De cette heure, de ce moment, où les puissances récemment constituées de l’Allemagne unie viennent de sceller leur alliance, de cette heure datera notre ère nouvelle et notre nouvelle histoire. Très auguste archiduc, vicaire de l’empire, vous êtes le bien venu dans le sein de cette assemblée nationale, qui s’est promis à elle-même et qui a promis à la patrie de soutenir de toutes ses forces votre altesse impériale, pour l’accomplissement de la difficile tâche qui vous est dévolue. Pour tout ce qui doit contribuer à fortifier les liens de l’unité, à assurer la liberté du peuple, à rétablir l’ordre public, à ranimer la confiance, à augmenter enfin la prospérité commune, le gouvernement du vicaire de l’empire peut compter sur l’appui de l’assemblée nationale. Le peuple allemand proclame avec reconnaissance le patriotisme de votre altesse ; mais il demande que toute la force, que toute l’activité de l’archiduc Jean soit consacrée sans partage aux intérêts généraux du pays. Votre altesse me permettra de lui lire la loi sur l’installation du pouvoir central. » M. de Gagern fait cette lecture, puis il