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parole : « Je proclame l’archiduc Jean d’Autriche vicaire de l’empire d’Allemagne. » L’assemblée se lève, et un tonnerre de vivats se prolonge sous les voûtes. Qu’il soit, continue le président, qu’il soit le fondateur de notre unité, le gardien de notre liberté ! qu’il rétablisse l’ordre et la confiance ! Et, encore une fois, vive le vicaire de l’empire ! » Les acclamations redoublent, et une députation composée de MM. Andrian, Jucho, Raveaux, Saucken, Rotenhan, Franke et Heckscher, est envoyée à Vienne pour porter à l’archiduc Jean le titre que lui a conféré l’assemblée nationale.


III

C’est le 5 juillet 1848 que la députation de l’assemblée nationale avait salué à Vienne le vicaire de l’empire ; six jours après, l’archiduc Jean faisait son entrée à Francfort au milieu d’un immense concours des populations voisines. Dès le matin, la ville entière était sur pied. Soldats, gardes civiques, corporations de toute espèce, les autorités, les administrations, les écoles, tous, bannières déployées, attendaient le représentant suprême de la patrie commune. Vers six heures du soir, de nombreuses salves d’artillerie annoncèrent l’arrivée du prince. Un arc de triomphe, orné de fleurs et de couronnes, pavoisé de mille drapeaux, s’élevait devant la porte de Tous-les-Saints avec cette inscription : La ville libre de Francfort au vicaire de l’empire d’Allemagne ! C’est par là qu’entra l’archiduc, escorté aussitôt par un bataillon de garde nationale et accueilli à chaque pas par des acclamations enthousiastes. Toutes les cloches sonnant à pleine volée répondaient aux saluts du canton. C’était une fête à la fois solennelle et naïve, pleine de magnificence et de cordialité. Dans la rue de Tous-les-Saints, la corporation des tonneliers offrit au prince une coupe d’argent remplie de vin ; c’était la même qui avait été présentée, lors des fêtes du couronnement, à son père et à son frère ; c’est à cette coupe qu’avaient bu Léopold et François II, les deux derniers empereurs d’Allemagne. « Videz-la à votre tour, disait le tonnelier, et que ce soit à la prospérité de la patrie ! » Ces scènes patriarcales augmentaient la joie et l’enthousiasme de toutes les fenêtres, des fleurs et des couronnes tombaient aux pieds du vieillard. Le cortége, avançant avec lenteur au milieu de cette multitude, arriva enfin à l’hôtel de Russie, où le vicaire de l’empire fut reçu par une députation, de l’assemblée nationale et du sénat de Francfort M. de Gagern lui adressa quelques paroles de félicitation, et le pria, au nom de l’assemblée, de vouloir bien se rendre à l’église. Saint-Paul pour y recevoir officiellement l’investiture. « Messieurs, répondit l’archiduc, je vous remercie de cet accueil. Quand j’ai appris le choix du peuple allemand, j’ai été bien étonné que ma grande patrie