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ne fut repoussée que par 20 ou 25 membres de la droite, parmi lesquels on remarqua M. de Vincke, M. d’Arnim, le prince de Radowitz. La proposition Wernher était conçue ainsi : « L’assemblée nationale allemande, appelée par la volonté et les suffrages du peuple à constituer l’unité et la liberté politique de l’Allemagne, décrète ce qui suit : Toutes les dispositions des constitutions particulières qui ne seraient pas en harmonie avec la constitution générale, œuvre de l’assemblée allemande, n’auront de vigueur que d’après la mesure de cette constitution même, sans préjudice, d’ailleurs, de leur complète efficacité jusqu’au moment où sera promulguée la constitution de Francfort. » M. Roemer, M. de Beckerath, M. Welcker et leurs amis n’eurent pas de peine à adopter cette formule, qui ne modifiait que très légèrement le projet de la commission. Mécontente de ne pouvoir établir la dictature du parlement, la gauche se rallia cependant à la proposition Wernher pour ne pas donner gain de cause à ceux qui demandaient l’ordre du jour. Enfin les membres du centre droit l’acceptèrent aussi, quoiqu’ils eussent mieux aimé ne pas reconnaître le principe de la souveraineté nationale implicitement contenu dans la rédaction proposée ; il leur parut que ce principe était indiqué sans fracas, et, puisqu’il fallait accorder cette satisfaction à l’assemblée, ils préférèrent une occasion comme celle-ci, espérant bien, disait naïvement l’un d’eux, que c’en était fait une fois pour toutes de cette proclamation de la souveraineté du peuple. C’est ainsi que, sur une question périlleuse, 25 voix à peine empêchèrent l’unanimité du parlement. Une explosion de bravos retentit dans la salle et dans les tribunes, quand on vit l’ordre du jour rejeté et la proposition Wernher admise par cette majorité immense.

Pendant le cours de ces débats, et tandis que la commission préparait son travail, une autre affaire, bien grave aussi, s’était produite devant le parlement. C’était, au fond, une question analogue à celle qui occupait déjà l’assemblée ; il s’agissait de la dictature du parlement de Francfort. Une lutte sanglante avait éclaté à Mayence entre les troupes et une bande d’insurgés ; M. Zitz, exagérant la gravité du conflit, dénaturant les faits, et rejetant sur l’armée toute la responsabilité du sang répandu, demandait à l’assemblée d’intervenir directement et de châtier les coupables. Une enquête fut ordonnée. Décréter l’enquête, c’était peut-être une mesure imprudente ; l’assemblée sortait de ses attributions, et, ajoutant sans aucun droit le pouvoir exécutif à l’autorité législative, elle semblait entrer dans les voies révolutionnaires où la poussait l’extrême gauche. « Si nous franchîmes cette fois les limites de notre mandat, dit très bien M. Haym, député du centre droit[1], c’était pour

  1. Die deutsche Nationalversammlung, ein Bericht aus der Partei des rechten Centrum, von Haym. Francfort, 1848.