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de loi. Dans le Massachusetts (je cite de préférence les états les plus éclairés), pour être avocat, il fallait, jusqu’en 1836, avoir été reçu bachelier ès-lois dans une université, ou avoir bien effectivement passé un certain nombre d’années dans le cabinet d’un praticien qui présentait ensuite le candidat à la cour. Pour exercer la médecine, ou, ce qui est déjà différent, pour avoir le droit de poursuivre un client en paiement d’honoraires, il fallait avoir acquis ses grades au collége médical qui fait partie de l’université de Harvard, voisine de Boston. Aujourd’hui on est avocat, dans le Massachusetts, sous la seule condition de passer un examen public devant un jury d’hommes de lois, choisi à chaque session par le juge. Quant à la médecine, la clause d’un examen n’est plus nécessaire, même pour la revendication des honoraires : depuis 1836, la petite barrière qui séparait l’exercice de cette profession d’une liberté complète a disparu.

Dans l’état de New-York, depuis 1846 seulement, la profession d’avocat est devenue à peu près libre. Il fallait jusque-là avoir conquis ses degrés dans une université. Actuellement, pour acquérir le droit de plaider, l’on n’a qu’à subir un examen dont tout homme intelligent qui aura parcouru quelques ouvrages de jurisprudence pendant un mois se tirera sans peine. Si je suis bien informé, les avocats de New-York, au lieu de s’opposer à l’abolition de ce qu’ils eussent pu considérer comme leur privilège, se sont hautement prononcés pour la liberté ; mais ils ont demandé qu’on abolît en même temps le tarif qui fixait légalement le prix de leurs services, afin que la libre concurrence fût la loi de tout point. À la même date, les lois spéciales qui pouvaient restreindre l’exercice d’autres professions libérales ont été révoquées de même dans cet état.

Après avoir cité ces exemples, je ne puis m’empêcher de dire que je regarderais comme infiniment prématuré de calquer la liberté française sur la liberté américaine à l’égard des professions que je viens d’indiquer. Cependant, qu’on y réfléchisse bien, là où le suffrage universel est à sa place, c’est-à-dire là où il est dans les mœurs, où il fonctionne régulièrement appliqué à toute chose, cette pleine liberté des professions, de celles même que la société européenne a cru devoir réserver, est de droit. Comment ! vous supposez que tout citoyen de vingt et un ans possède les lumières et le discernement qu’il faut pour choisir les officiers de la milice, le shérif, le juge de paix, le maire et les conseillers de sa commune, la législature de son état et de la fédération, le gouverneur de l’état, le président de l’Union[1]et vous

  1. Dans l’état de New-York, d’après la nouvelle constitution (1846), toutes les fonctions publiques, à peu près sans exception, sont livrées à l’élection, au suffrage universel de l’état en masse, ou d’une certaine circonscription. Indépendamment des fonctionnaires que je viens d’énumérer, c’est ainsi que se nomment les ministres de l’état,