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IV. – LA LIBERTÉ DANS LE CHOIX DES PROFESSIONS ET DES ENTREPRISES.

En Amérique, le principe général est que les professions sont libres. On n’y rencontre rien qui ressemble aux anciennes corporations closes d’arts et métiers que la révolution glorieuse de 1789 renversa chez nous, des liens desquelles l’Angleterre s’était déjà dégagée, et qui, depuis soixante ans, ont été abolies successivement dans l’Europe occidentale. Je ne sache pas qu’il ait jamais existé aux États-Unis rien de semblable, même à l’origine. L’eût-on voulu, on ne l’aurait pas pu ; l’esprit d’indépendance des colons n’était pas seul à l’interdire ; la division du travail, que suppose le système des corporations, est impraticable dans un état naissant où la population manque et où chacun doit se suffire à lui-même.

Les privilèges et les monopoles sont repoussés par l’esprit général de la législation particulière des états et de la législation fédérale. Si, par surprise ou par abus, un état particulier conférait à quelqu’un le privilège exclusif d’une fabrication ou d’un travail quelconque, on chercherait et on trouverait le plus souvent le moyen de traduire l’acte à la barre de la cour suprême des États-Unis, qui ferait de son mieux, dans les bornes de la légalité, pour le frapper de nullité comme inconstitutionnel.

Cependant il n’y a rien de formel dans la constitution des États-Unis pour garantir la liberté des professions. Il n’en est pas fait mention explicite dans l’article viii, qui énumère les pouvoirs du congrès, ni dans les articles additionnels (amendemens), qui détaillent les franchises du citoyen américain. Ce silence est surprenant. Est-ce une inadvertance du législateur ? ou bien les hommes immortels qui firent la constitution jugèrent-ils que la liberté des professions était tellement entrée dans les mœurs, qu’il était superflu de l’inscrire dans la loi ? ou s’arrêtèrent-ils à la difficulté de fixer le point où la liberté cesserait pour faire place à l’esprit réglementaires ? Le fait est que la lacune existe, que du point de vue des principes il serait mieux qu’on l’eût remplie. Il s’agit, en effet, d’une liberté tout aussi essentielle que peuvent l’être celle le parler et d’écrire, celle de se réunir, celle de porter des armes, en faveur desquelles, la constitution fédérale contient des stipulations expresses ; mais, si le législateur constituant a compté sur la puissance des mœurs, son attente n’a pas été déçue. Bien rarement le monopole a trouvé le moyen de se glisser dans la place en se parant de couleurs faites pour séduire, et la lettre de la constitution a finalement fourni ce qu’il fallait pour l’en faire déguerpir. En voici un exemple.

Une des causes les plus célèbres dont les tribunaux américains aient