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pas, au milieu des forêts primitives, de police bien vigilante, pour le contraindre à être exact. Une fois sa déclaration inscrite, il paie dans l’année sans rémission. Pour acquérir ainsi des terres, il faut satisfaire aux mêmes conditions que pour la préemption.

Vu sur le papier, le système qui est en vigueur pour la disposition des terres publiques aux États-Unis n’offre précisément rien dont l’esprit s’émerveille. C’est sans prétention, c’est terre à terre. Il est bon pourtant de dire qu’on n’est arrivé à la forme définitive qu’après des tâtonnemens qui ont duré bien des années. On l’a refondu bien des fois, et la loi actuelle est de 1841 seulement. En France, nos combinaisons administratives sont très belles sur le papier ; c’est un ensemble de contre-poids qui semble parfaitement coordonné. Tout s’équilibre et se contrôle, mais c’est à l’œuvre qu’il faut voir ces appareils pour les juger. Or, à l’œuvre, le système adopté en Amérique pour les terres publiques a un plein succès. Si vous en voulez la preuve, comptez les états qui se sont formés sur le domaine fédéral ; mesurez-en, si vous le pouvez, la prospérité, les progrès rapides.

L’excellence du système consiste en ce que le cultivateur venu de l’est, sans intrigue, sans protection, sans appui autre que son amour du travail et quelque peu d’argent, ne dépend, pour la satisfaction de ses vœux, du bon vouloir de personne, n’est subordonné aux pénibles mouvemens d’aucune hiérarchie bureaucratique. Dans les deux cas dont je viens de rendre compte, il n’a qu’à aller de sa personne sur le terrain et à dire : Ceci est à moi, sauf paiement. La prise de possession lui vaut titre à perpétuité. Dans le cas de l’achat aux enchères, ou lorsqu’on n’est pas dans les conditions exigées pour exercer la préemption, ce n’est pas plus embarrassant. On se rend aux enchères ou chez le conservateur, on désigne le lot que l’on veut, et on reçoit une inscription qu’on remet à l’employé fiscal avec l’argent. Celui-ci délivre, séance tenante, deux récépissés, dont l’acquéreur donne l’un au conservateur et garde l’autre pour lui-même. C’est son titre, provisoire il est vrai : le titre définitif vient plus tard de Washington ; mais, avec le titre provisoire, on va occuper la terre, on la vend si l’on veut.

Nos possessions d’Afrique peuvent être et devraient être pour nous ce qu’est l’ouest pour les populations américaines. Émigrer de Paris ou de l’Alsace à Constantine n’est ni plus dispendieux ni plus long que d’aller de New-York ou de Boston dans l’Iowa ou le Wisconsin ; mais la longue filière de nos procédés administratifs est pour l’homme industrieux un épouvantail. Que de son département ou de l’Afrique il sollicite un lopin de terre, il l’attendra des années parce que des années se passeront avant que les ingénieuses formalités tissées par les ordonnances aient toutes été remplies, avant que la bureaucratie ait prononcé son fiat. Nous faisons en France les affaires administratives par une méthode qui rappelle la classique machine de Marly, dont on venait de