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— Malgré sa récente crise ministérielle, dont on a du reste exagéré l’importance, l’Espagne continue ses réformes administratives et financières « Le cabinet, nous écrit-on de Madrid, est définitivement reconstitué ; M. Bravo Murillo a échangé le portefeuille des travaux publics, instruction et commerce, contre celui des finances, et, chose singulière, cette nomination a été parfaitement accueillie, quoique M. Bravo Murillo ait été jusqu’ici tout-à-fait étranger à cette branche du service, et peut-être même à cause de cela. La raison en est simple : ce sont les routines bureaucratiques, ce sont les traditions perpétuées dans la direction des finances depuis Philippe V, qui ont Introduit le désordre et la pénurie dans le trésor. On comprend que, pour extirper le mal, il faut un homme de bon sens, d’un caractère ferme et d’une grande capacité de travail. Or, M. Bravo Murillo réunit ces qualités à une connaissance assez étendue des ressources du pays et à une probité que ses ennemis mêmes se plaisent à reconnaître. Depuis son entrée au ministère des finances, M. Bravo Murillo travaille sans relâche au budget, qu’il se propose de porter aux cortès dès que les autres ministres lui auront fourni la part qui revient à chacun d’eux dans ce grand travail. Le grand but du nouveau ministre des finances est d’établir un parfait équilibre entre les recettes et les dépenses, afin de consacrer les premiers mois de l’année prochaine au règlement de la dette extérieure et à la fixation des sommes nécessaires pour payer les arrérages. Soyez persuadé que ce plan est sérieux et qu’il sera mis à exécution. Le conseil des ministres, qui se réunit chaque jour, s’occupe presque exclusivement des finances. Déjà on est d’accord sur la suppression d’un très grand nombre de fonctionnaires publics, qui surchargeaient inutilement le trésor, particulièrement dans les hautes administrations de la capitale La réduction de l’armée est aussi décrétée, un grand nombre de compagnies seront renvoyées. Les hommes formeront une armée de réserve, sans solde, résidant dans leurs foyers et pouvant se consacrer à des travaux utiles ils se tiendront cependant prêts à reprendre les armes au premier besoin. Les officiers seront attachés à l’armée active, pour réorganiser les corps auxquels ils appartiennent, si le gouvernement juge convenable de les appeler.

« Malgré tout ce que vous lirez dans nos journaux, la retraite de M. Mon n’altère en rien l’union du parti conservateur et sa confiance dans le général Narvaez ; ce qui le prouve, c’est la présence, dans le cabinet ; de son beau-frère et fidus Achates, M. Pidal. De petites incompatibilités personnelles, des blessures qui ne devraient effleurer que très légèrement l’amour-propre, voilà les véritables causes de la démission de l’ancien ministre des finances. La majorité du corps législatif n’en reste pas moins compacte.

« Je vois dans vos journaux que la politique intérieure de notre cabinet n’est pas appréciée très exactement en France. On y paraît croire que le général Narvaez ne réussit à conserver la tranquillité publique qu’en persistant dans ce système de rigueur et de résistance à l’aide duquel il parvint naguère à vaincre la révolution. C’est une grave erreur que de porter un pareil jugement sur la situation de l’Espagne La résistance n’est plus de mise là où il n’y a pas d’hostilité. Le gouvernement a cru qu’il pouvait sans danger rappeler tous les Espagnols au sein de leur patrie, et confier des emplois importans aux hommes de l’opposition. C’est ainsi que nous avons à présent à Madrid un grand nombre des plus chauds partisans du comte de Montémolin,