Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/1054

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sogne et non la nôtre, ni celle peut-être de personne, mais de ce que nous ne voyons pas de moyens très directs d’arriver au but, ce n’est pas une raison pour nous déterminer à prendre des moyens très dangereux. Induire les conseils-généraux à solliciter en commun la révision immédiate de la constitution, ce n’était pas seulement endommager le pacte de 1848, que nous n’avons pas mission de protéger d’une façon particulière : c’était ébranler tout l’ancien état de notre pays tel que l’ont, à la longue, édifié les siècles ; c’était compromettre le génie unitaire le la France, qui est la France même. Nous qui ne sommes pas encore d’humeur a en appeler au fédéralisme pour nous venger des abus qu’on a fait de l’unité, nous avons été heureux de reconnaître que la province ne s’était pas très vivement pressée d’entrer dans la sphère où on l’appelait. Les habitudes de centralisation et d’unité se sont pour ainsi dire incorporées à la France, elles y sont devenues un fond naturel dont on ne se départ plus volontiers.

La province, il est vrai, ne voit guère dans la constitution de 1848 qu’un cadeau de Paris, et c’est une raison de moins d’y tenir. Vainement la charte républicaine a été sanctionnés par une assemblée nationale, il paraît toujours a la province qu’on avait bâclé trop de besogne avant l’assemblée même, et que celle-ci a trouvé quelque chose tout fait quelle n’aurait sans doute point mis dans la constitution, si on l’eût consultée a temps. Ce quelque chose est la république telle du moins que l’ont inventée nos démocrates, la république avec un président non rééligible au bout de ses trois années, la république de l’agitation perpétuelle. La seule façon dont les coqs de la démocratie défendent de toucher à cela suffirait pour donner l’envie de le défaire, et c’est à quoi l’on a tout bonnement exhorté les conseils-généraux. Ceux-ci néanmoins ont compris qu’ils pénétreraient ainsi dans un domaine étranger à leur mission, et l’immense majorité s’est arrêtée bien en-deçà de la limite permise. Ils n’ont pas voulu faire acte de législateurs ; ils n’ont pas cru, comme M. Laennec, le président du conseil-général de la Loire-Inférieure, que les questions les plus générales comme les plus particulières rentrassent dans leur compétence, ils sont restés en dehors de la grosse question politique enfermée dans le vœu d’une révision immédiate de la constitution, parce que cette question ainsi posée à tous les coins de la France, au lieu d’être débattue dans une grande et unique assemblée, n’était plus qu’un appel à toutes les passions de localités.

Le conseil-général de la Gironde a cependant persisté à exprimer le souhait que l’assemblée nationale donnât plus de stabilité au pouvoir exécutif en lui donnant plus de durée. Il a même repoussé un amendement qui ajournait l’expressément la réalisation de son vœu « à l’époque légale de la révision ; » il a donc implicitement voté la révision immédiate. Mais il y a là plutôt une fantaisie d’indépendance girondine qu’un acte politique capable d’un grand contre coup. Ces mêmes conservateurs qui soupirent avec cette énergie aventureuse après la révision de la constitution républicaine combattent aussi violemment que les plus chauds républicains, le rétablissement de l’impôt sur les boissons. Bordeaux assurément gagnerait à la suppression des droits, mais Bordeaux oublie toujours qu’il n’est pas toute la France, et il a trop de penchans à se gouverner pour lui seul. Voyez déjà comme chacun tirerait à soi, sans souci du reste, dès l’instant où ces comices départementaux influeraient davantage non-seulement sur leurs propres affaires, ce qui est désirable, mais sur les affaires générales du pays ! Laissons donc la politique à sa place. La discussion du con-