Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/1047

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette noble famille, on nommait le père, de ce roi tant de fois sacré par les balles des régicides, qui furent les éclaireurs de la révolution de février.

Pour ceux qui ont le droit de s’appeler légitimistes, je ne sais aujourd’hui qu’une manière de justifier leur nom. Si ce parti représente un principe grand et vrai, c’est le principe de l’autorité et du respect. L’hérédité monarchique n’en est qu’une conséquence. Le droit divin, le droit national que l’on invoque ne sont que des argumens variables avec le temps, par lesquels on s’efforce de rajuster la conséquence au principe. L’hérédité est une garantie pour la perpétuité et la majesté du pouvoir. Je crains que, par une fausse position trop long-temps prolongée, les légitimistes n’inclinent trop encore à sacrifier le but aux moyens, la force et l’honneur du pouvoir à la question héréditaire. Il y a des époques de troubles dans l’histoire des peuples monarchiques où la transmission héréditaire s’interrompt, où, dans la confusion universelle, le droit du plus brave et du plus digne fonde des légitimités nouvelles. Il est permis de croire, je présume, que l’époque où nous sommes, où, dans le cours de la vie d’un homme, on a vu la France changer dix ou douze fois de gouvernement, est un de ces temps. Or, durant ces crises, le premier devoir des défenseurs du principe d’autorité, des vrais légitimistes, est de penser plus au dieu qu’au prêtre, et de défendre l’autorité dans l’homme qui la représente, tant que cet homme ne la laisse pas s’avilir dans ses mains. Mais faire au pouvoir existant une opposition impatiente, inconsidérée, systématique ; contribuer à dégrader l’autorité, en combattant à l’étourdie ses dépositaires, en incriminant leurs actes sans en connaître les motifs et avant d’en avoir pu apercevoir la portée, se livrer contre le pouvoir à ces attaques quotidiennes d’épilepsie qui constituent malheureusement ce qu’on appelle, chez nous, la liberté de discussion et la liberté de la presse, — quand on agit ainsi, on a beau se parer d’un nom historique, on a beau se donner comme un disciple de M. de Chateaubriand, parce qu’on écrit comme M. d’Arlincourt, — quand on agit ainsi, on n’est pas légitimiste, on est révolutionnaire.

Je regrette que ces réflexions, en m’entraînant un peu loin de Léonie Vermont, m’aient empêché de rendre justice au talent que révèle ce livre et aux intentions généreuses qu’il manifeste. Je ne voudrais pas pourtant que l’on attribuât à ce roman toutes les fausses tendances légitimistes contre lesquelles je me suis élevé. Ce qui domine plutôt dans Léonie Vermont, c’est, sous une forme chaleureuse et élégante, la meilleure partie de l’esprit légitimiste, celle que j’ai signalé tout à l’heure : un sentiment religieux élevé, une sollicitude éclairée et sincère pour les classes pauvres.


Eugène Forcade.