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Je disais donc que je reproche à l’auteur de Léonie Vermont de n’avoir point échappé à des préjugés fâcheux qui sont encore trop accrédités au sein du parti légitimiste. Au moment même où il y a dans le pays un mouvement favorable à ce parti, où des fractions de l’opinion qui lui ont été autrefois hostiles veulent oublier les anciennes divisions, où il faut enfin que tous les élémens sauveurs de la société s’unissent dans des sentimens de confiance mutuelles ; dans un pareil moment, si les légitimistes ne veulent pas trahir la cause commune, il faut qu’ils renoncent à des antipathies injustes, à des illusions puériles et à des habitudes de conduite maladroite.

La première concession qu’ils devraient faire au moins aux nécessités de notre temps, ce serait de répudier les vieilles calomnies qu’ils ont répétées pendant dix-huit ans contre le gouvernement de juillet. Je comprends que l’origine du gouvernement de juillet leur ait causé un mortel déplaisir. Hélas ! pourtant dans cette France, qui depuis soixante ans a reçu du hasard, des révolutions ou de l’étranger, dix ou douze gouvernemens différens, il faudrait être stupide pour garder rancune à un pouvoir quelconque, surtout lorsqu’il est tombé, du vice de son origine. Ce que je ne plus souffrir c’est de voir encore jeter l’injure et le mépris, aujourd’hui, après l’expérience criante des deux dernières années, à la moralité de la politique du régime de 1830. J’avoue, par exemple, que je ne garde pas mon sang-froid quand je l’entends accuser de corruption. Certes, les hommes qui ont dirigé ou soutenu la politique de 1830 ont eu un grand tort : c’est de se laisser impunément insulter pendant dix-huit ans. On les accusait d’abaisser la France vis-à-vis de l’étranger. Eux qui la sentaient se relever peu à peu, par l’ordre et la prospérité intérieure, de l’abaissement et de la faiblesse où les révolutions plongent toujours un pays, ils laissaient dire. On les accusait de favoriser les intérêts matériels ; eux qui espéraient qu’une société laborieuse et économe se moraliserait en pansant ses blessures, ils laissaient dire. On les accusait d’être corrompus, et eux, sûrs de leur désintéressement, trop fiers pour se sentir atteints par l’outrage, ils souriaient ; ils savaient que la calomnie est une arme inévitable dans les combats de la liberté, et pour l’amour de la liberté ils méprisaient la calomnie, comme les hommes de guerre saluent sur le champ de bataille les boulets qui leur apportent la mort. Se laisser accuser injustement quand on a le pouvoir, ce peut être une erreur de magnanimité ; mais, vaincus, on ne peut tolérer une injure qui retombe sur tous ceux qui, à tous les degrés de la société, étaient unis, par leurs services, par leurs vœux ou par leurs espérances, au régime constitutionnel de 1830.

Quand je lis Léonie Vermont, ou si j’écoute les conversations des légitimistes, le plus gros crime qu’on impute à la monarchie de juillet,