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temps de ses splendeurs, Philippe et Léonie Vermont. La fille du comte, Isabelle, était restée veuve après un brillant mariage, et retourna chez son père. Philippe Vermont s’était fait peintre, et menait à Paris la folle vie d’artiste. Fernand de Briancour était parti le dernier du château paternel. Une éducation solitaire, l’oisiveté où le retinrent les opinions politiques de sa famille, donnèrent à son ame un tour rêveur et poétique. Quand il vint à Paris, un volume de vers lui fit une popularité élégante dans les salons que lui ouvrait son nom. Comme toutes les natures élevées, qui ne peuvent consentir à se désintéresser de leur temps, Fernand se sentit entraîné vers la vie active par le spectacle des affaires et des hommes. Un intérêt délicat l’y poussait d’ailleurs. Il voulait être indépendant de son père, car il aimait Léonie, et il n’espérait pas que le comte approuvât son mariage. Fernand sollicita un emploi diplomatique ; il était appuyé par une des grandes dames du monde parisien : la place lui fut promise. Une intrigue, ce qu’on appelait, du temps où nous n’avions pas de plus grands malheurs, un acte de corruption, la lui escamota. La révolution survint. Le vieux comte de Briancour était en ce moment à Paris, et eut la joie de voir la chute de l’usurpateur et d’entrer avec le peuple dans le palais du tyran. Philippe Vermont, l’artiste sensuel, le républicain concupiscent et envieux, devient un des meneurs du peuple, un des hauts fonctionnaires du gouvernement provisoire, un des chefs de club les plus violens et les plus influens. Fernand de Briancour est nommé représentant du peuple. Il pourra épouser Léonie Vermont, mais Philippe commande une bande d’insurgés dans les journées de juin : il se déshonore aux yeux mêmes de son parti ; il est condamné à une peine infamante. Léonie, ame noble et virile, craint de ternir d’une éclaboussure de honte le nom de Fernand de Briancour : elle s’immole et se fait religieuse. Fernand accepte cet holocauste. Je ne veux point faire de byronisme ; cependant, s’il y eut jamais temps où il fût permis de sacrifier une convenance à un sentiment, son intérêt à sa passion, c’est celui-ci ou pas un. Fernand reste dans la politique. Il est membre de l’assemblée législative ; il y appartient à cette fraction qui cherche à réconcilier les classes pauvres avec la société par un patronage religieux et des institutions charitables. Il est aussi de ceux qui entrevoient la fin de nos maux dans une restauration, laissant à la Providence le soin de répondre à la question décisive : When — and how, quand et comment ? On voit que ce canevas traverse toutes les scènes de notre histoire récente : il se prête à des épisodes nombreux. Je signalerai, entre autres, comme un des côtés les plus intéressans du roman, le caractère d’un ouvrier, Pierre Larcher, et le triste drame de ses malheureuses illusions politiques et de ses plus malheureuses amours.