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que pour les serfs de sa race, distribués dans les principautés et dans la Hongrie, qui parlent la même langue et pratiquent la même religion.

La même religion, un culte commun, voilà, en effet, un des plus grands liens des hommes. Il suffit souvent là où tous les autres manquent, et établit pour les esprits une sympathie supérieure à toutes les antipathies que les hasards humains avaient créées. Ici rien de pareil à espérer. Ces peuples, séparés sur la terre par tant de divisions hostiles, le seront encore dans le ciel. La muraille de la Chine qui les isole ne s’élève pas à une moindre hauteur.-Toutes ces populations ont des religions différentes, et, chose étrange, ces religions sont constituées aussi en souveraines et en sujettes. Il y a quatre religions d’état ; les autres sont seulement tolérées. Les quatre religions d’état sont : la religion catholique, la religion réformée, la religion évangélique, la religion unitaire ou socinienne. On a vu comment la Transylvanie s’était convertie au christianisme sous saint Étienne : c’est au commencement du règne de Louis II, et avant la bataille de Mohàcz, que les doctrines de Luther commencèrent à se répandre dans la principauté. En 1550, la nation saxonne tout entière et un grand nombre de Hongrois avaient accepté le symbole de la confession d’Augsbourg ; mais bientôt les nouveaux convertis se divisèrent : une partie resta fidèle à l’église luthérienne, l’autre adopta les dogmes de Calvin ; enfin le socinianisme ou la religion anti-trinitaire se répandit par les prédications d’un ministre, François David, que les protestans cherchèrent vainement à rattacher à eux. Rien n’égalait l’activité de sa propagande : il allait à pied, de village en village, prêchant contre la Trinité, la représentant comme un reste des fables du paganisme, outrageante pour la majesté du seul et unique Dieu ; il répandait des images grossières où elle était peinte sous la forme de Cerbère, avec ses trois têtes. Ces blasphèmes contre la foi chrétienne ne soulevèrent pas l’indignation de gens qui, depuis un demi-siècle, entendaient chaque jour contredire ou controverser tous les principes de l’antique foi. On convoqua une assemblée extraordinaire de ministres et de sociniens à Clausenbourg pour y disputer publiquement sur la Trinité. Ces disputes durèrent dix jours ; chaque docteur s’y rendait processionnellement, suivi de ses partisans, portant des bannières flottantes, avec l’inscription pour ou contre la Trinité. Les esprits étaient aux nouveautés, les prédicateurs sociniens parlaient mieux que les ministres : la ville de Clausenbourg tout entière passa à la religion anti-trinitaire ; on y éleva un temple, qui porte pour inscription Uni Deo.

Ce fut alors que se réunit la diète de Torda (1562), qui, pour couper court à ces funestes dissensions, reconnut et sanctionna tout ce qui avait été fait jusqu’alors, et proclama comme religions d’état les quatre communions chrétiennes que nous venons de rappeler ; on défendit