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les municipalités saxonnes. Ces corporations de bourgeois, de laboureurs et d’artisans ont survécu là aux républiques marchandes du moyen-âge, leur modèle ou même leur mère-patrie, les villes opulentes d’Augsbourg et de Nuremberg, dont elles avaient transporté avec elles les coutumes et les lois. Bien que la séparation date aujourd’hui de six siècles, ces colonies lointaines ont conservé la langue, les habitudes, le caractère et tous les traits de leurs ancêtres. On peut dire que les Saxons se sont conservés en Transylvanie plus Allemands, s’il est possible, qu’en Allemagne, comme la province conserve les modes et les formes de société ou de langage que la capitale a depuis long-temps renouvelées. Les Saxons transylvains sont des marchands d’Augsbourg du XIIe siècle, des calvinistes du XVIe dans la première rigueur de leurs doctrines, des paysans de cette race vigoureuse et massive de la Souabe, guidant ces robustes attelages que nous admirons dans les tableaux des premiers peintres allemands.

Les savans qui ont le mieux éclairé l’histoire curieuse et si peu connue des villes libres allemandes au moyen-âge ont retrouvé dans la constitution actuelle des municipalités saxonnes les solutions que les livres et l’archéologie ne leur pouvaient fournir. Le Statut municipal, par exemple, actuellement encore en vigueur, est une compilation faite d’après la coutume de Nuremberg ; c’est un code politique et civil tout entier ; il peut donner la mesure du degré de liberté et de civilisation où étaient parvenus ces bourgeois teutons (cives leutonici) à l’époque où la France se débattait au milieu des horreurs de la Saint Barthélemy. Ce statut, rédigé par cinq juges saxons, fut approuvé et confirmé, en 1583, dans la citadelle de Cracovie, par Bàthory, prince de Transylvanie, qui venait d’être appelé à la couronne de Pologne. Dans plusieurs articles, la loi saxonne ne fait que répéter les plus sages dispositions de la loi romaine. C’est ainsi que, malgré les progrès de la réforme et sa doctrine sur le divorce, on y inscrit cette définition célèbre du mariage et de son indissolubilité : Matrimonium, viri et mulieris conjunctio, deportatione, vel aquœ et ignis interdictione, non solvitur. — La veuve, tant qu’elle ne passe pas à un second mariage, conserve la maison conjugale. — Nous trouvons là déjà les idées d’égalité de notre code civil : les enfans des deux sexes ont part égale dans la succession de leurs parens. Les enfans nés avant le mariage sont légitimés par le mariage subséquent. Nul privilège n’est attaché à la terre, et il n’y a que des exemptions personnelles.

Voici des prescriptions qui ont devancé la philosophie du XVIIIe siècle. — Quand le criminel a subi sa peine, la peine aussi est morte avec lui ; la tache du châtiment ne s’étend pas au fils innocent. Quant aux biens du condamné, ils ne devront, dans aucun cas, être confisqués ; le juge les remettra aux légitimes héritiers : Non enim bona, sed bonorum possessores