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instar erat ; mais elle devait se marier dans l’année à quelque brave soldat. À son défaut, les collatéraux étaient appelés, et, à défaut de ceux-ci, les voisins. La couronne n’avait point, comme en Hongrie, le droit de retour sur des fiefs qui ne venaient point d’elle et que la nation avait payés de son sang. — Malgré leurs privilèges, les Szeklers voulurent quelquefois eux-mêmes contribuer aux dépenses communes. En 1692, ils payèrent un seizième du tribut annuel ; après la révolte de Rakoczy, en 1707, ils furent soumis à une contribution de guerre, et un petit nombre d’entre eux fut privé de leurs antiques droits. Le génie militaire ne s’est point affaibli chez les Szeklers. Sous Marie-Thérèse, ils fournirent pour l’insurrection jusqu’au cinquième de leur population ; ils forment aujourd’hui les meilleurs soldats des frontières. Les Szeklers portent sur leurs drapeaux des armes qui représentent assez bien le courage et sans doute l’ancienne férocité de la nation : c’est un glaive qui traverse un cœur de part en part.

Le pays est divisé en districts qu’on appelle sièges parce que quatre fois l’an siège au chef-lieu une assemblée des anciens de la contrée pour juger les procès, délibérer sur les affaires communes, élire les députés à la diète générale, et nommer enfin à toutes les magistratures vacantes dans le territoire. Dans quelques-uns des districts, il n’y a point de maison commune pour ces réunions, qui se tiennent alors à l’ombre de quelques vieux arbres ou sur la place du village : c’est le forum.

On quitte ce peuple de nobles, ces laboureurs et ces pâtres souverains, on sort de ces sénats improvisés en plein air, pour entrer dans les villes bourgeoises et manufacturières des Saxons. Ce ne sont plus les fils d’Attila et des Huns, ce sont les pacifiques corporations du moyen-âge, les descendans des graves bourgmestres allemands, que nous retrouvons à Hermanstadt, à Cronstadt, et dans le riche territoire qui occupe la partie sud du pays. Les Saxons forment la troisième nation souveraine de la Transylvanie. Ce sont des colonies allemandes, établies par le roi Geysa II au commencement du XIIe siècle. Un siècle après (1224), le grand fondateur des libertés hongroises, André II, qui venait de donner la bulle d’or à la Hongrie, accordait aux Saxons les privilèges sur lesquels repose encore aujourd’hui leur existence nationale. Par cette charte, les Saxons formèrent une véritable république au sein de l’état. On leur assigna un territoire qu’ils occupent non à titre de colons ou de sujets, mais comme souverains. Ce territoire s’appelle le Fonds royal, parce que, contrairement à la coutume féodale qui proclamait au moyen-âge « nulle terre sans seigneur, » la terre des Saxons ne relevait que du roi. C’est ainsi que se constituèrent, sur la lisière orientale de l’Europe, entre l’anarchie féodale de la Hongrie, le despotisme des Turcs et l’ambition grandissante de la cour de Vienne,