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régence gouvernait au nom de son fils ; mais les Turcs se hâtèrent de faire élire le fameux Émeric Toekély, chef des mécontens hongrois. Tœkély se jeta audacieusement dans le pays en faisant franchir à son armée les défilés de Torswar, jusqu’alors réputés inaccessibles. Ce passage merveilleux des Karpathes, à travers des sentiers à peine frayés, et la bataille qui le suivit près de Zernest, sont aussi célèbres dans les fastes transylvains que le sont dans les nôtres le passage du Saint-Bernard par l’armée de Napoléon et nos victoires dans les plaines de l’Italie. L’imagination des peuples donne aux événemens une grandeur qui se mesure plus à la force et à la vivacité des impressions qu’ils en ont reçues qu’à l’importance des résultats politiques. Tœkély ne resta pas long-temps maître de la Transylvanie. Le margrave Louis de Bade rentra bientôt dans la principauté et en chassa définitivement les Turcs et leur héroïque allié. Le nom du jeune Apàfy reparaît encore dans les actes publics ; mais par le fait, et de l’assentiment formel des états, le gouvernement passa tout entier à l’empereur. Les états prêtèrent serment de fidélité et d’hommage à Léopold en 1691, et George Banfy fut nommé gouverneur de la principauté. Apàfy vint à Vienne à l’époque de sa majorité ; il abdiqua l’ombre de souveraineté qui lui restait encore entre les mains de l’empereur, et mourut, en 1713, sans laisser de postérité. Enfin, par le traité de Carlowitz, la Porte renonça à son droit de suzeraineté sur la Transylvanie.

La principauté fut donc réunie à l’empire, et elle est restée depuis dans la maison d’Autriche à ce triple titre : 1° la volonté des états, exprimée solennellement dans le diplôme d’inauguration de Léopold et de chacun de ses successeurs comme princes de Transylvanie ; 2° l’abdication du dernier prince Apàfy ; 3° la cession des droits de la Porte par le traité de Carlowitz. Il est peu de souverainetés sans doute qui puissent justifier d’une origine aussi légitime ; ce n’est point sur ces faits déjà anciens d’un siècle et demi que l’opposition des diètes et l’insurrection actuelle ont fondé leurs griefs contre la maison d’Autriche. On lui a reproché la violation des privilèges de la principauté, et surtout des droits reconnus à la noblesse. Ces accusations avaient éclaté dès le lendemain même de la prise de possession du pays ; il n’était pas difficile, à vrai dire, de trouver matière à procès dans la constitution transylvaine. On verra tout à l’heure qu’elle n’est guère plus précise dans ses termes ni plus facile à exécuter que la constitution hongroise.

À peine Léopold était-il maître de son nouvel état, qu’il eut à réprimer la dernière révolte de la Hongrie et de la Transylvanie, sous le prince Ràkoczy. Grace aux secours puissans qui lui étaient fournis par la France, cet illustre chef se maintint dix années durant contre l’effort des armées impériales. Il fut élu en 1707 prince de Transylvanie et reconnu en cette qualité par Louis XIV, qui envoya en ambassade