Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/934

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et c’est là ce qui paraissait l’irriter. Quelles prétendues conspirations chaque jour dénoncées à la tribune ! Quelle manie de croire qu’ils ne pouvaient périr que par un coup d’état et disparaître que dans une tempête ! Un coup d’état ! et pourquoi ? Pour hâter d’un jour ou deux la mort des républicains du 24 février ? Qui donc a jamais pensé à tuer des mourans ? Si on eût dit qu’il s’allait faire un coup d’état contre l’assemblée législative qui a trois ans à vivre, nous ne l’aurions pas cru, mais nous l’eussions compris ; il y avait de quoi. On peut être tenté, en effet, de se débarrasser d’un adversaire qui a trois ans à durer ; mais qui n’a pas la patience d’attendre la fin d’un adversaire qui n’a plus que trois jours à vivre ? Le coup d’état que les républicains craignaient du président n’avait point de cause.

Si les mourans de l’assemblée nationale avaient voulu dire la vérité, ils auraient dit qu’ils ne pouvaient pas prendre leur parti de n’être plus rien après avoir pensé qu’ils étaient tout, qu’ils ne consentaient pas à croire qu’il pût encore y avoir une république quand ils ne seraient plus là pour en être les directeurs. Est-ce que le soleil se lèvera demain comme à son ordinaire ? Est-ce que ma mort ne changera rien à l’ordre éternel du monde ? Est-ce que les choses se passeront, quand je n’y serai plus, comme elles se passaient quand j’y étais ? Oui, elles se passeront de vous après votre mort comme elles se passaient de vous avant votre naissance. Ce sont ces vieilles vérités que nos législateurs ont oubliées ; pardonnons-leur cet oubli de la fragilité humaine et ne nous occupons plus des agitations de l’assemblée nationale pendant ces quinze derniers jours, ou plutôt n’en disons un mot que pour rendre hommage à la noble et consciencieuse éloquence de M. Odilon Barrot. Quelle lutte de tous les instans pendant ces quinze derniers jours ! quelle généreuse indignation contre les outrages adressés au président de la république ! Comme le président est responsable, il est par conséquent toujours accusable, et par conséquent aussi toujours respectable : voilà les maximes que M. Barrot a rappelées avec une admirable fermeté de caractère et de talent. Quelle habileté en même temps et quelle honnêteté à repousser les avances de mauvais aloi qui lui étaient faites ! Consentez, lui disait-on, à laisser croire qu’on veut à côté de vous détruire la république : il sera bien entendu que vous n’aurez rien su ni rien vu. Ainsi, d’un côté des momies de probité, et de l’autre côté des aigrefins politiques, voilà comme on espérait couper en deux le ministère. C’était là, à travers toutes les conspirations qui se dénonçaient à la chambre, une petite conspiration qui se poursuivait à la tribune, et qui a été déconcertée par la clairvoyance et la loyauté de M. Barrot. M. de Falloux, que les affidés de la petite conspiration que nous dénonçons à notre tour ne mettaient pas dans le nombre des momies de probité, s’est irrité du rôle qu’on lui faisait, rôle contraire à l’honneur ; mais il s’en est irrité en homme politique et en homme de talent. Il a fait un discours excellent, qui a été du même coup un acte habile de politique. Il a rendu au parti modéré l’offensive qu’il avait perdue fort mal à propos depuis les élections.

Nous avons parlé d’un instant de faiblesse et d’ébranlement dans le parti modéré depuis les élections. Nous n’hésitons pas à reporter la première date de cette faiblesse à l’abandon que le parti modéré a fait de M. Léon Faucher.

C’est, le soir même où se fermait l’urne électorale que l’assemblée a blâmé