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de notifier au duc de Sotomayor la teneur insultante de cette approbation.

Faut-il cependant l’avouer ? il me répugne tout le premier de croire à la triste préméditation qui ressort de cette série de faits. On a tant abusé dans certaine école des vieilles récriminations contre le machiavélisme de la diplomatie anglaise, contre son inexorable parti pris d’égoïsme, contre son mépris du droit dès que le profit cesse d’être à côté du droit ; il y a, dans ce thème déclamatoire, tant de niaise injustice entre un petit nombre d’assertions motivées, que je crains, malgré moi, d’ajouter ici une page ridicule de plus à cette ridicule histoire des crimes de l’Angleterre. En vain je me dis que la note du 16 mars serait absurde, si elle ne prouvait pas chez lord Palmerston le parti pris de pactiser avec les révolutionnaires espagnols ; que la dépêche annexée, le 9 avril, par M. Bulwer à la note du 16 mars et la communication anticipée de ce document au Clamor publico seraient absurdes, s’il n’y fallait pas voir une adhésion officielle de l’ambassadeur britannique à la cause de l’insurrection ; que le langage tenu, le 20 avril, par lord Palmerston serait enfin absurde, si on refusait de considérer ce langage comme l’aveu brutal, définitif, de cette étrange attitude politique : je ne sais, malgré tout, quel instinct d’incrédule équité se révolte au fond de mon esprit contre cette accumulation de preuves. Comment croire que le Foreign-Office, qui combattait, dès cette époque, en Allemagne, en Italie, en Hongrie, les écarts de l’esprit révolutionnaire, et qui patronait ouvertement, en Portugal, un ministère bien autrement modéré, bien autrement hostile aux radicaux que le gouvernement espagnol, dérogeât systématiquement à cette ligne de conduite vis-à-vis de celui-ci ? J’aime mieux tout attribuer au hasard ou plutôt aux involontaires entraînemens de cet esprit primesautier, de cette irritabilité excessive, qui gâtent parfois les éminentes qualités de lord Palmerston. En écrivant la note du 16 mars, le noble lord songeait sans doute aux bombardemens, aux horribles exécutions militaires ordonnés, six ans auparavant, par son protégé Espartero. Pouvait-il supposer que le gouvernement légitime et normal de 1848 serait de meilleure composition pour la révolte que le gouvernement faible et contesté de 1842 ? Un sentiment d’humanité a donc, admettons-le, dicté seul cette note. L’incorrigible légèreté de M. Bulwer a fait le reste, et, si le Foreign-Office a si vivement épousé les griefs de M. Bulwer, c’est que le procédé un peu sommaire du duc de Sotomayor n’a, dès le premier moment, apparu à lord Palmerston que par son côté blessant. Que le duc de Sotomayor consente à excuser, à expliquer, à légitimer ce procédé, qu’il en appelle des susceptibilités de lord Palmerston à sa loyauté et à sa justice, et celui-ci, heureux qu’on lui offre une occasion honorable de rentrer, vis-à-vis de l’Espagne, dans la ligne de conduite qu’imposent