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dedans. L’Angleterre dévore son humiliation méritée dans un silence plus boudeur que menaçant ; les bandes républicaines et montémolinistes ne semblent parcourir encore la Péninsule que pour mieux constater aux yeux de l’Europe l’indifférent dédain qu’elles rencontrent désormais dans les populations, et, au sein de la plus formidable épreuve que l’Espagne constitutionnelle ait traversée, le cabinet Narvaez a su trouver la sécurité et la liberté d’action nécessaires pour entreprendre des réformes devant lesquelles avaient dû reculer tous ses prédécesseurs. D’où lui vient cette double force ? comment a-t-il déjoué les intrigues de l’extérieur ? quel a été son point d’appui à l’intérieur ? C’est ce que j’essaierai successivement d’expliquer, en m’étendant pour cette fois de préférence sur la question extérieure, qui, en Espagne, domine et régit tout, enraie ou précipite tout.

L’Espagne était, de tous les états du continent, celui que menaçait le plus directement l’influence de notre révolution. La Belgique, qui venait d’effectuer sa réaction libérale, l’Allemagne rhénane et l’Italie, encore dans le premier enthousiasme de leur avènement constitutionnel, marchaient déjà plus ou moins dans le lit où venait de se précipiter le torrent de février. Cette impulsion soudaine allait tout au plus accélérer leur mouvement. Mais c’est dans le sens opposé que marchait l’Espagne. Au moment même où le juste-milieu succombait à Paris, c’est le juste-milieu qui venait de triompher à Madrid. Le choc semblait d’autant plus inévitable, que le parti qui s’emparait chez nous des affaires s’était fait, tout récemment encore, une machine de guerre de l’appui donné par le gouvernement de Louis-Philippe aux modérés espagnols. Ce souvenir, joint aux menaces de propagande armée que nos clubs lançaient, dès le lendemain de février, aux monarchies européennes, devait inspirer au ministère espagnol de graves inquiétudes sur sa sûreté tant extérieure qu’intérieure. Le premier devoir de tout gouvernement sérieux, c’est de pourvoir à sa propre conservation. Le cabinet Narvaez sollicita et obtint des chambres l’autorisation de décréter tout à la fois la suspension des garanties constitutionnelles et un emprunt extraordinaire pour le cas où les circonstances l’exigeraient, J’insiste d’avance sur le caractère éventuel de cette double autorisation.

S’il prévoyait l’orage, le cabinet Narvaez était loin, je crois, d’en deviner la direction. Ce n’était ni de France, ni d’Espagne, que devait venir l’impulsion insurrectionnelle, c’était du palais de Saint-James.

Quel intérêt avait l’Angleterre à fomenter la révolution en Espagne ? Au premier abord, aucun. L’Angleterre était elle-même trop ébranlée au dedans pour songer à renverser les points d’appui monarchiques qui pouvaient lui rester au dehors. L’incendie républicain, qui menaçait de la cerner, ne marchait déjà que trop vite. Quel était d’ailleurs le