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habituellement, mais en ce qu’elles nous fournissent un mode dans lequel ces raisonnemens peuvent toujours être représentés et qui est admirablement calculé pour en mettre, s’ils ne sont pas concluans, en lumière le défaut. Une induction du particulier au général, suivie d’une déduction syllogistique de ce général à d’autres particularités, est une forme dans laquelle nous pouvons toujours exposer notre raisonnement, si cela nous convient ; ce n’est pas une forme dans laquelle nous raisonnions nécessairement, c’en est une dans laquelle il nous est loisible de raisonner, et qui devient indispensable toutes les fois que nous avons quelque doute sur la validité de notre argumentation. Tel est l’usage du syllogisme en tant que moyen de vérifier un argument donné. Quant à l’usage ultérieur touchant la marche générale de nos opérations intellectuelles, le syllogisme équivaut à ceci : c’est une induction une fois faite. Il suffira d’une seule interrogation à l’expérience, et le résultat pourra être enregistré sous la forme d’une proposition générale qui est confiée à la mémoire et dont il n’y a plus qu’à syllogiser. Les particularités de nos expérimentations sont alors abandonnées par la mémoire, où il serait impossible de retenir une telle multitude de détails, tandis que la connaissance que ces détails procuraient, et qui autrement serait perdue dès que les observations auraient été oubliées, est retenue, à l’aide du langage général, sous une forme commode et immédiatement applicable. L’emploi du syllogisme n’est, dans le fait, pas autre chose que l’usage de propositions générales dans le raisonnement.

Cet éclaircissement montre comment le syllogisme, tout en contenant une pétition de principe dans la majeure, n’en est pas moins infiniment utile à la logique. Sans proposition générale, le raisonnement serait confiné à une extrême simplicité. Sans doute, l’enfant qui s’est brûlé le doigt n’a pas besoin, pour ne plus s’y exposer, de la proposition générale : le feu brûle ; il conclut du particulier au particulier et s’abstient de toucher de nouveau à la chandelle : c’est ce que nous faisons dans les cas les moins complexes, c’est ce que font aussi les animaux ; mais, sans le secours des propositions générales, il serait impossible de conduire avec aucune sûreté un raisonnement étendu, et toute expérience un peu compréhensive serait, à chaque fois, perdue pour l’intelligence humaine. La proposition générale s’est introduite de plus en plus à mesure que les hommes ont accumulé davantage de l’expérience et de la réflexion, et un homme de génie, dans cette Grèce si ingénieuse, a montré, en créant le syllogisme, comment il fallait user de ces propositions générales pour en user correctement.

On le voit, le syllogisme n’est pas déductif, car il contient implicitement une pétition de principe ; par là il lui est interdit de faire un pas hors de lui-même, et, à quelque torture qu’on le mette, avec quelque