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démagogues n’étaient pas seuls ; chaque jour, à chaque heure, du nord, du centre, du sud de l’Allemagne, arrivaient, accompagnés d’amis et de compatriotes, les membres du parlement qui allait s’ouvrir. Un auditoire nouveau remplissait les assemblées populaires, et les orateurs furent plus d’une fois décontenancés, n’étant plus soutenus par leurs fidèles. Le 30 mars pourtant, la veille au soir de l’ouverture du parlement, le club du Weidenbusch, où s’agitait la rhétorique furieuse de M. Hecker, fut le théâtre d’une manifestation républicaine qui pouvait sembler de mauvais augure pour les délibérations du lendemain. Les membres de l’assemblée qui arrivèrent ce soir-là à Francfort purent entendre des milliers de voix demander la république. La république en Allemagne ! La république imposée à quarante millions d’hommes par le peuple de M. Hecker ! Cétait pousser un peu trop loin la naïveté du plagiat. Nos démagogues parisiens sont de vulgaires et odieux imitateurs d’une terrible époque. M. Hecker et M. de Struve ne sont-ils que les copistes de nos copistes ? En vérité, est-ce bien à Francfort que nous sommes ? Où donc est cette originalité allemande qui craint si fort de nous ressembler ? Les plagiaires, par malheur, se retrouveront souvent sur notre chemin ; mais patience ! les délégués sont fidèles au rendez-vous, le parlement préparatoire commencera demain ses travaux ; cette fois-ci du moins le spectacle sera tout-à-fait allemand.

Le 31 mars 1848, à huit heures et demie du matin, tous les députés des chambres allemandes et tous les citoyens libéraux convoqués par le comité des sept étaient réunis dans cette grande salle du Roemer où se faisait le couronnement des empereurs. La Prusse seule avait envoyé 141 députés, le duché de Hesse-Darmstadt 84, le grand-duché de Bade 72, le Wurtemberg 51, la Bavière 44. Les autres pays de l’Allemagne étaient représentés dans une mesure assez équitable ; exceptons pourtant l’Autriche, qui, n’ayant pas de chambres et ne possédant que des publicistes inconnus, dut se résigner d’abord à ne compter que deux voix dans l’assemblée des notables, M. le comte Vissingen et M. le docteur Wiesner. Six autres délégués, parmi lesquels M. Schuselka et M. Kuranda, furent adjoints plus tard à ceux que je viens de nommer, et prirent une part active aux délibérations. Si l’Autriche n’avait que deux représentans, le Schleswig-Holstein en avait neuf, et l’orgueil allemand, on le pense bien, triomphait de les voir là. Depuis plus de deux ans, l’Allemagne et le Danemark se disputaient le Schleswig ; la présence des députés de ce pays au sein de l’assemblée de Francfort semblait un défi jeté au Danemark et un gage solennel de la victoire. En un mot, si arbitraire qu’elle fut, et malgré l’absence de l’Autriche, la réunion du 31 mars était une image assez fidèle de la situation de l’Allemagne. Le comité d’Heidelberg n’avait pas seulement convoqué cette assemblée ; il lui avait indiqué un programme et préparé