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de Hanau prirent les armes, et, si le grand-duc n’avait cédé, une lutte sanglante s’engageait. Le Wurtemberg s’agitait aussi ; l’assemblée populaire réunie à Stuttgart le 28 avait exprimé les mêmes vœux que les pétitionnaires de Mannheim et de Darmstadt, et, quelques jours après, les membres les plus avancés de l’opposition étaient investis du pouvoir. Dans le duché de Nassau, dans la Prusse rhénane, à Wiesbade, à Francfort, à Cologne, partout enfin sur cette ligne du Rhin où l’influence de la France se fait directement sentir, le bruit seul de la révolution de février avait conquis à l’Allemagne ces libertés qu’elle réclamait depuis si long-temps. Des bords du Rhin, le mouvement pénétra bientôt dans l’intérieur et jusqu’à l’extrémité de la confédération. La Saxe et la Prusse, l’Autriche et la Bavière, adressèrent les mêmes remontrances à leurs gouvernemens, et obtinrent les mêmes réformes en attendant les révolutions qui devaient, à la fin du mois de mars, consacrer à Vienne et à. Berlin l’orageux commencement d’une époque nouvelle.

On comprendrait mal ce qui se passait alors à Heidelberg, on méconnaîtrait l’origine vraiment extraordinaire du parlement de Francfort, si l’on ne se rappelait ce rapide et universel soulèvement de l’Allemagne après notre révolution de février. La liberté était conquise ; liberté précaire, pensait-on, tant que l’unité n’existait pas : ex unitate libertés. Il y avait long-temps que les intelligences d’élite, d’accord en cela avec le patriotisme populaire, se proposaient cette grande tâche de l’unité allemande avec toute l’intrépidité de l’inexpérience ; cette fois, le triomphe des idées libérales aux premiers jours de mars, la soumission des gouvernemens, l’enthousiasme des populations, tout enfin semblait provoquer les rêveurs. Jamais les vieux pouvoirs n’avaient été plus désarmés, jamais une situation si favorable n’avait frayé le chemin des aventures. Il fallait seulement se hâter. Déjà la pétition de Mannheim avait exprimé le venu de l’opinion publique : une assemblée nationale fera connaître les volontés de la patrie. Tout à coup quelques hommes d’élite, sans autre mandat que la gravité des circonstances, sans autre droit que le droit du plus hardi, conçoivent la pensée de donner une prompte satisfaction aux pétitionnaires et de convoquer enfin le parlement des peuples allemands. Le 5 mars, au milieu des commotions qui ébranlaient déjà toute cette partie du pays, au milieu des émeutes qui soulevaient toutes les villes, cinquante et un citoyens réunis à Heidelberg prirent l’initiative de cette révolution pacifique : c’étaient presque tous des membres influens de l’opposition dans les chambres ; les autres, connus par leurs écrits ou par leurs actes, publicistes, professeurs, avocats, étaient naturellement désignés pour l’œuvre audacieuse qui se préparait. L’urgence du péril ne laissant pas le temps de convoquer tous les hommes éminens du parti libéral en Allemagne,