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C’est ici que je dois m’arrêter. À des scènes terribles, j’aurais voulu faire succéder de plus paisibles images ; mais Mme la duchesse d’Orléans est entrée dans la vie privée. À moins de méconnaître les lois d’une discrétion respectueuse, il n’est permis à personne de raconter cet exil, soutenu avec une ame religieuse et ferme, consolé (si l’exil pouvait l’être) par les affections de famille et par la satisfaction du devoir accompli. Nul n’a le droit de soulever ce voile. On l’a essayé pourtant ; on a parlé de négociations commencées et restées imparfaites, on a supposé des offres et des refus. Vaines conjectures de spéculateurs oisifs ! À Eisenach comme aux Tuileries, sur la terre d’exil comme sur les marches du trône, la princesse Hélène reste toujours soumise aux décrets de la Providence. Bien plus, ses amis n’auraient jamais cherché à rétablir des vérités obscurcies par tant de passions diverses, si une audacieuse attaque n’avait rendu l’apologie nécessaire. Qu’on le sache bien, parce que c’est la vérité, la politique n’a aucune part à cette défense. Il ne s’agit ici ni d’espérances, ni de regrets, ni de royauté, ni de régence. Et qui pourrait accueillir en ce moment toute autre pensée que le péril de la société menacée ? Sans doute la France a fait justice d’une faction hypocrite qui insinuait le désordre et l’introduisait par ruse dans la place. Elle s’est débarrassée aussi de cette politique nébuleuse qui sacrifie le présent à je ne sais quel avenir problématique, oublie le jour pour le lendemain, les générations présentes pour les générations à naître ; politique à la fois myope et presbyte, voyant trop de loin, pas assez de près, distinguant au bout d’un télescope l’écueil caché dans l’immensité des mers, le rocher perdu dans la brume de l’horizon, n’apercevant pas à ses pieds la chausse-trappe et le piège à loups ; semblable à l’astrologue de La Fontaine, qui se laissait choir dans tous les puits en bayant à tous les nuages. L’anarchie n’a plus de masque ; tous ceux qu’elle portait sont tombés ! Masques humanitaires, progressifs, machiavéliques, dithyrambiques, tout a disparu devant le vote universel. On ne voit plus du socialisme que son visage, sa tête de Gorgone coiffée de serpens ; mais, pour être à découvert, le monstre n’en est pas moins redoutable. Il se pare de couronnes civiques ; ce n’est plus l’impunité, c’est le triomphe qu’il réclame ; il demande sa place dans l’état. Les doctrines les plus perverses s’avouent, s’affichent et s’imposent. La démagogie parcourt et bouleverse l’Europe. Dans un péril général y a-t-il place pour des vœux particuliers, pour des combinaisons dynastiques ? Celle qui en serait l’objet serait la première à les désavouer. Tous les souvenirs, toutes les affections, tous les partis enfin doivent se fondre dans un seul parti : celui de l’ordre ; c’est le seul éternellement légitime. Bisquer d’y jeter la désunion, même par un sentiment honorable dans son principe, rompre une seule maille