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moment où il était tombé, un des officiers de sa maison, suivi de plusieurs gardes nationaux, le trouva gisant à terre ; l’ayant reconnu à sa voix enfantine, il le saisit rapidement et l’emporta dans ses bras. Arrivé à la salle des Pas-Perdus, l’officier fit descendre le petit prince par une fenêtre basse qui donnait sur le jardin de la présidence. Quant à M. le duc de Chartres, il avait été enlevé, comme son frère, par un insurgé, puis délivré par un huissier de la chambre. Ce brave homme l’avait caché chez lui, dans les combles du palais Bourbon. Plus tard, l’enfant fut aussi ramené à sa mère.

On ne pouvait rester plus long-temps à la chambre des députés ou dans ses dépendances. Par bonheur, une petite voiture à un cheval stationnait dans la cour. Mme la duchesse d’Orléans y monta avec M. le comte de Paris et un garde national ; deux députés l’escortèrent. Ce fut ainsi qu’elle arriva aux Invalides. M. le duc de Nemours, qui avait échappé aux insurgés en habit de garde national, y rejoignit sa belle-soeur.

En descendant de voiture, Mme la duchesse d’Orléans était entrée dans l’appartement du maréchal Molitor. Le vieux guerrier n’attendait pas la princesse. Il la reçut avec un douloureux respect, sans lui cacher cependant les craintes que pouvait inspirer pour ses enfans et pour elle le choix d’un asile où aucune défense n’était possible. « Monsieur le maréchal, répondit Mme la duchesse d’Orléans, quelque danger que nous puissions courir, je suis décidée à rester aux Invalides. Dans ce moment, c’est le séjour le plus convenable pour mon fils et pour moi : convenable pour en sortir, si un avenir nous reste encore ; convenable pour y mourir, si notre destinée est de mourir aujourd’hui. »

Toutefois elle ne se bornait pas à cette abnégation héroïque, elle n’invoquait pas seulement le secours d’un beau désespoir. Elle ne resta pas inactive un seul instant. Tout ne lui semblait pas perdu : elle avait conservé l’espoir d’une réaction dans le sens de l’ordre. Elle dit aux personnes qui l’entouraient : « Je tiens à la vie de mon fils plus qu’à sa couronne ; cependant, si sa vie est nécessaire à la France… il a près de dix ans, il est déjà en âge de s’exposer pour son pays… Tant qu’il y aura une seule personne qui me conseillera de rester ici, quel que soit le danger, je resterai. » Si l’attitude de Mme la duchesse d’Orléans avait été noble et grande dans l’assemblée législative transformée en champ de bataille, elle ne fut pas moins admirable dans sa retraite momentanée à l’hôtel des Invalides. Des négociations s’y nouèrent et s’y dénouèrent sans relâche ; des députations s’y présentèrent ; les noms de ceux qui jouèrent un rôle dans cette circonstance ne sont pas encore acquis à la publicité, et quelques-uns ne laisseraient pas de causer un peu d’étonnement. Mme la duchesse d’Orléans écoutait tout le monde,