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des distributions. Elle s’y assit quelques minutes. Enfin on l’annonce dans l’assemblée ; elle y pénètre et se place dans l’hémicycle. On apporte des fauteuils pour elle et pour ses fils ; elle reste debout au pied de la tribune. À sa vue, les cris de vive la duchesse d’Orléans ! vive le comte de Paris ! s’élèvent de tous les côtés. Les acclamations de l’assemblée presque entière sont constatées par le Moniteur, qu’on ne trouvera pas toujours aussi exact. Sans doute des sentimens hostiles avaient déjà pénétré dans la chambre : au fond des tribunes frémissantes on sentait, on devinait des ennemis, le silence des députés de l’extrême gauche était une menace ; mais enfin l’aspect de l’assemblée, loin de révéler un parti pris contre le jeune prince et contre sa mère, semblait favorable et protecteur. Tout dépendait d’un effort : M. Dupin le tenta. Le président ne crut pas devoir s’y associer. Sur les réclamations des députés opposés à la nouvelle régence, il invita les personnes étrangères à se retirer, et, tout en répétant plusieurs fois les mots d’auguste princesse, tout en prodiguant les hommages les plus monarchiques, il engagea Mme la duchesse d’Orléans à quitter la chambre des députés par respect pour le règlement ! Ce fut alors que, se tournant vers le président avec une incomparable dignité, elle lui adressa cette parole que conservera l’histoire : « Monsieur, ceci est une séance royale ! »

Rien ne put la troubler, rien ne put l’émouvoir, et, si son intrépidité stoïque avait pu s’inoculer à toutes les ames, la royauté existerait encore en France. Et pourtant la pression matérielle était au moins égale à la préoccupation morale. L’hémicycle était rempli par une foule nombreuse, entrée avec la princesse dans l’enceinte législative : foule affairée, tumultueuse, bruyante, mêlée d’amis et d’ennemis, de curieux qui étaient venus pour voir, d’officieux qui se faisaient de fête, surtout d’individus sans opinion qui attendaient pour se déclarer, prêts à acclamer le triomphe, quel qu’il fût. Des hommes armés escaladaient les bancs, allaient et venaient, poussés ou rappelés par leurs chefs. Quelques-uns s’approchèrent de la princesse, la touchant presque de la main. « Venez, venez, madame ; » lui dit en passant un jeune homme qui descendait en courant l’escalier de la tribune ; « je vous réponds de vos enfans et de vous ; venez vous montrer au peuple, il vous proclamera tout d’une voix. » — « Ne bougez pas ! » s’écriait un autre ; « si vous faites un pas, vous et vos enfans, vous êtes morts ! » Au milieu de cet effroyable tumulte, Mme la duchesse d’Orléans ne faisait ni un mouvement ni un geste ; seulement elle était un peu pâle, et, comme si elle assistait à un spectacle émouvant et curieux, elle attachait ses regards avec une attention infatigable sur la foule et sur l’assemblée. Puis, lorsque quelques-uns des amis dévoués dont elle était accompagnée s’approchaient d’elle, elle leur répondait par un