Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/818

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les détails dans la copie de la lettre que je vous ferai passer par le courrier prochain. Je serai à Paris au mois de janvier, et en Bretagne peu de temps après ; je vous verrai. Je vais me retirer entièrement du monde. Écrivez-moi, écrivez à Joubert. Ma santé est bien mauvaise, et je désire quelquefois de ne pas repasser les Alpes. Je vous embrasse tendrement. »


Au même.

« Rome, ce 16 novembre 1803.

Mon dernier billet, mon cher ami, vous annonçait la mort de Mme de Beaumont, qui a quitté cette triste vie le 4 du mois courant, à Rome. Je vous disais, que je vous ferois passer par le prochain courrier le récit de sa mort. J’ai pensé depuis qu’il vaudrait mieux pour vous d’écrire à Joubert, à Villeneuve-sur-Yonne, ou à Mme de Vintimille, à Paris. Ils vous enverront copie de cette fatale relation, et vous aurez moins de port à payer que si je vous la faisais passer de. Rome.

« Mon cher ami, je suis vraiment au désespoir. Je ne sais ce que (sic) devenir ni quel parti prendre. Je suis bien déterminé à quitter Rome, mais le cardinal s’y oppose à présent ; et plus on m’a d’abord persécuté injustement, plus on veut maintenant, par des caresses, me retenir ici. Quoi qu’il en soit, je n’irai pas toujours plus loin que mon année, qui finit au mois de mai. Oui, mon cher Chênedollé, mes déserts vont être maintenant auprès des vôtres. J’appelle la retraite et l’obscurité de toute la force de mes désirs. Il est plus que temps de renoncer à tant de mensonges, à tant de projets que tout renverse et que rien ne peut amener à une fin heureuse. Écrivez-moi ici ; j’ai soif de vos lettres et de votre amitié. — Adieu, adieu. »

Mme de Vintimille s’acquittait de la commission dont il vient d’être parlé, et elle écrivait à Chênedollé la lettre que voici :


« A Paris, le 1er nivôse (1803).

« Vous me rendez bien peu de justice, monsieur, en me soupçonnant d’avoir pu vous oublier. L’éternel souvenir de la malheureuse amie que je pleure ne me permettra jamais de voir avec indifférence ceux qui partageaient mes sentimens pour elle, et croyez bien que ce mutuel regret me donne un lien avec vous que rien ne rompra jamais. — Voilà la relation que M. de Chateaubriand m’a envoyée ; j’ai trouvé plus court de vous la faire passer que d’en faire prendre une copie. Quand vous l’aurez gardée tout le temps que vous jugerez à propos, vous voudrez bien me la renvoyer ; je m’en rapporte à votre bon esprit pour juger qu’elle doit rester dans l’intimité, et qu’il y a des choses dont les indifférens n’ont que faire. Je ne vous fais donc aucune recommandation à ce sujet. Quelle perte nous avons tous faite par la mort de cette malheureuse amie ! Je ne puis dire le chagrin que j’en ressens ; c’est une plaie qui ne se fermera jamais ; l’idée de ne la plus revoir me poursuit sans cesse, et il m’est doux de parler de cette peine à une personne qui, j’en suis bien sûre, sait m’entendre. — Je suis affligée de ce que vous me dites de vos malheurs personnels, et, quoique je n’aie pas beaucoup de droits à votre confiance, laissez-moi vous dire que s’ils sont de nature à être un peu adoucis par l’intérêt bien véritable, je vous demande de ne pas me refuser le plaisir de vous offrir quelque consolation. — Vous savez que M. de