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« P. S. — M. de Bonald, à qui j’avais fait part de votre maladie, veut être rappelé à votre souvenir. J’étais hier chez Fontanes au moment où il reçut une lettre de Michaud, qui disait vous avoir écrit trois fois sans réponse. »

Nous reprenons la série des lettres écrites de Rome par M. de Chateaubriand :


À M. de Chênedollé.

« Rome, mercredi, 6 fructidor (24 août 1803.)

« Lucile vient de m’apprendre, mon très cher ami, que vous vous plaignez de mon silence. Est-ce à vous ou à moi à se plaindre un peu ? Je vous ai écrit une longue lettre de Lyon ; vous étiez malade quand vous l’avez reçue, et vous ne m’avez pas répondu depuis que vous vous portez bien. Je vous ai écrit une longue lettre de Rome, sous le couvert de Mme Beaumont. Il est vrai que vous ne pouviez pas encore avoir reçu cette lettre lorsque Lucile m’a écrit ; mais j’espère que vous l’aurez reçue depuis. Voici donc ma troisième lettre de compte fait, et je n’ai pas encore reçu signe de vie de vous. Je ne vous en fais point de reproche. Vous aurez eu sans doute mieux à faire qu’à m’écrire ; et si votre paresse m’afflige, je suis au moins sûr de votre cœur.

« Dans toutes mes lettres à Mme de Beaumont, il y avoit toujours un mot pour vous et la prière de vous instruire de nos projets. On m’a marqué que Michaud étoit prêt à faire avec vous une affaire pour les notes du Virgile de l’abbé Delille. J’en serois charmé ; mais votre paresse ne sera-t-elle pas un obstacle ? Au reste, mon cher ami, c’est votre bonne étoile qui vous a empêché de venir ici. Figurez-vous que ma vie est un enfer. J’ai demandé mon rappel au moins pour l’année prochaine, si l’on ne veut pas me l’accorder plus tôt. Vous sentez que je ne puis entrer dans les détails ; mais soyez sûr que vous n’auriez pas tenu vingt-quatre heures avec cet homme[1]. Ainsi donc, mon cher ami, ou j’obtiendrai une place indépendante l’année prochaine, et alors vous serez avec moi, si cela vous fait plaisir, ou je serai avec vous à Paris, et, une fois rentré, ensemble, nous nous arrangerons pour cultiver un petit jardin et des choux.

« Je ne vous parlerai point de Rome. Je suis si malheureux que je ne vois rien. Comme littérature, j’ai encore de ces succès qui ne consolent de rien et qui ne servent à rien. Il y a en Italie trois traductions de mon ouvrage. Je ne sais où cette lettre vous trouvera. Je crois que vous êtes chez votre père, mais il est possible que vous fussiez (sic) resté à Paris pour les notes. Adieu, mon très cher ami, comptez toujours sur ma tendre amitié, sur ma fidélité à toute épreuve. Écrivez-moi si vous le pouvez. Fontanes vous dira pourquoi je souffre ici, en cas que vous le voyiez.

« Mon adresse est tout simplement : À M Ch., secrétaire de la légation française, à Rome, Italie. — Il n’est pas nécessaire d’affranchir les lettres. Comment est votre santé actuellement ? »


Au même.

Rome, ce 8 novembre 1803.

« Tout est fini pour moi, mon cher ami. Mme de Beaumont n’est plus ; je n’ai eu d’autre consolation que d’avoir un peu honoré ses cendres. Vous verrez tous

  1. Le cardinal Fesch.