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suivi le premier en se dirigeant vers l’Èbre, et, pour hâter sa marche, on avait transporté les troupes en poste à travers les départemens de la France, tandis qu’à l’autre extrémité des Pyrénées, Duhesme, avec douze mille hommes d’infanterie, deux mille hommes de cavalerie et vingt canons, pénétrait en Catalogne et gagnait la route de Barcelone.

Pendant ce temps, le prince des Asturies, accusé d’entretenir des intelligences secrètes avec Napoléon, était arrêté dans le palais de l’Escurial, et comparaissait devant le conseil privé sous le poids du crime de haute trahison. Une proclamation royale et une dépêche de Charles IV, adressée à Napoléon, le présentaient comme un fils dénaturé qui avait tenté de détrôner et de faire assassiner son père. Napoléon, qui avait en ses mains les lettres que le prince des Asturies lui avait adressées et qui renfermaient des propositions plus insensées que coupables, se borna à répondre qu’il ne voulait avoir rien à démêler dans les affaires domestiques de la famille royale d’Espagne, et qu’il entendait s’en tenir aux termes du traité de Fontainebleau, traité déjà violé par l’entrée des troupes françaises en Espagne et la prise de possession des provinces du nord de l’Ebre, comprenant la Navarre et la Catalogne, des différens passages des Pyrénées et de la ligne des places fortifiées, telles que Pampelune, Barcelone, Saint-Sébastien et Figuières, au-delà desquelles rien ne pouvait s’opposer à la marche de l’armée jusqu’à Madrid. Enfin les projets de Napoléon ne devaient-ils pas avoir mûri quand le prince de la Paix, vaincu à son tour par le prince des Asturies, fut précipité du pouvoir, traqué par la populace de Madrid et plongé dans une prison ; quand Ferdinand, proclamé roi à la suite de l’abdication forcée de son père, lui demanda son appui et la confirmation de sa couronne usurpée, tandis que le vieux souverain dépouillé accusait Ferdinand près de l’empereur ? Les indices des derniers projets de Napoléon se signalent de plus en plus ; Murat, son lieutenant, s’avance rapidement sur Madrid. Le corps de Moncey, la garde impériale et l’artillerie concentrée à Burgos prennent la route de Somo-Sierra ; Dupont, avec deux divisions de son corps et sa cavalerie, entre dans les défilés de Guadarrama, et la troisième division de ce corps est placée en observation à Valladolid pour surveiller les troupes espagnoles qui occupent la Galice. En même temps, tous les points abandonnés par ces différens corps sont occupés par la réserve sous les ordres de Bessières. Tous ces faits ne sont-ils pas parlans, et d’ailleurs, à la nouvelle des événemens d’Aranjuez reçue par Napoléon à Paris dans la nuit du 26 mars, Napoléon n’avait-il pas immédiatement offert la couronne d’Espagne à son frère Louis, qui eut le courage et l’esprit d’opposer un refus au désir de l’empereur ? La lettre de l’empereur à Louis-Napoléon