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Ce droit, c’est le nôtre, et non pas seulement depuis 1848, grace à Dieu, mais depuis 1789. Nous ne lui souhaitons donc pas plus de légitimité qu’il n’en a à nos yeux ; mais nous lui souhaiterions en Allemagne, pour la lutte qu’il va avoir à soutenir, d’autres circonstances que celles qu’il rencontre en ce moment, et d’autres défenseurs aussi. Pour défenseurs, nous aimerions mieux les libéraux prussiens de la diète de Berlin en 1847 que les doctrinaires de l’unité germanique ou les démagogues. Nous aimerions mieux aussi, quant aux circonstances, que le droit de souveraineté du peuple allemand n’eût pas à soutenir la lutte après et à côté des répugnances qu’ont partout soulevées en Europe les excès de l’esprit démagogique.

Si, comme l’Italie, l’Allemagne succombe, c’est à la démagogie encore que nous nous en prendrons. Là, comme ailleurs, elle aura gâté la cause de la liberté.

Grande leçon donc pour la France que le spectacle de l’Allemagne en ce moment. Ce qui compromet en Allemagne la cause de la liberté, c’est qu’à Francfort le parti modéré, soit négligence, soit désunion, n’est pas resté maître de la conduite des affaires. Ce n’est pas lui qui a posé la question dans le procès qui va s’engager. Puisse, au contraire, le parti modéré en France rester toujours maître de poser la question au dedans et au dehors ! Nous ne nous dissimulons pas les conséquences de la chute de l’Allemagne, si elle succombe ; c’est la France alors qui est en ligne contre le despotisme septentrional, et c’est à Paris que les partisans de ce despotisme diront qu’il faut venir faire la police, parce que c’est à Paris, selon eux, qu’est le foyer de l’agitation révolutionnaire. Ce conflit qui est possible, nous ne le craignons pas si le parti modéré détermine les termes dans lesquels il soutiendra la lutte, opposant l’esprit libéral et non pas l’esprit démagogique aux bravades de l’esprit despotique. Mais si, selon la vieille et fatale routine des partis révolutionnaires, on cherche la force dans l’agitation, si on installe l’anarchie dans les villes sous prétexte d’installer la victoire dans les camps, si c’est enfin la démagogie qui combat le despotisme, tout est perdu, et nous craindrons que la liberté, n’ayant pas su se défendre contre l’anarchie, ne sache pas non, plus défendre l’indépendance nationale.


En Autriche et en Turquie, les événemens marchent avec rapidité. Les succès de l’armée magyaro-slave, sans être éclatans, ont été poussés avec vigueur par ces rudes Polonais dont il faut bien reconnaître l’entrain militaire. Assurément, le prince Windischgraetz leur a fait la partie belle ; il eût entrepris de relever de sa propre main les Magyars abattus ; il eût voulu, de propos délibéré, compromettre la fortune du vieil empire rajeuni, ce semblait, par les jeunes peuples slaves, qu’il n’eût pas mieux réussi.

Au fait, il n’est point donné à tout le monde d’être heureux à l’âge du prince Windischgraetz, et peut-être était-il moins facile de cueillir des lauriers sur le sol hongrois qu’à Custozza et à Novare, pour deux raisons : d’abord, parce que