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lemagne : « Tant que la Prusse et l’Autriche, avait-il dit, tant que toute l’Allemagne, aussi loin que s’étend la langue allemande, sera unie, la puissance, de la patrie allemande sera aussi inébranlable que les rochers de nos montagnes[1]. »

Lorsque la diète populaire de Francfort se mit à l’œuvre de l’unité germanique, et qu’elle voulut avoir le plus promptement possible une image de son œuvre, elle décerna la lieutenance générale de l’empire à l’archiduc Jean. Tout contribua à, cette désignation, ses sentimens, sa vie, démocratiques, son titre d’archiduc impérial, et les souvenirs de l’empire d’Allemagne, si long-temps unis aux souvenirs de la maison d’Autriche.

Bientôt cependant l’Autriche, à travers les révolutions qui bouleversaient ses provinces conquises comme ses provinces héréditaires, essaya de se constituer. La constitution d’Olmütz forma le nouveau faisceau de la monarchie autrichienne. Dans ce faisceau, les états allemands de l’Autriche avaient place, et semblaient par conséquent ne plus pouvoir faire partie de l’Allemagne. Ajoutez que la diète de Francfort avait décidé elle-même qu’aucun état allemand ne pouvait faire partie d’un état étranger. Cette jalousie patriotique était belle ; mais elle rompait le lien qui unissait l’Autriche à l’Allemagne. Pour rester allemande, il fallait que l’Autriche cessât d’être elle-même. De là un premier point de séparation entre Vienne et Francfort. Bientôt la querelle s’envenima ; l’élection du roi de Prusse comme empereur héréditaire d’Allemagne sembla un défi jeté par la diète de Francfort à l’Autriche. L’Autriche ne fit pas attendre sa réponse, et, pour qu’elle fût plus significative, elle l’adressa, non pas à Francfort, mais à Berlin.

La note autrichienne du 8 avril a la première posé la question, comme elle est posée aujourd’hui dans toute l’Allemagne. Cette note déclare hardiment ce que la réponse du roi de Prusse laissait seulement entendre. « La constitution de Francfort n’est qu’un projet ; ce projet ne sera une loi que lorsque les divers états de l’Allemagne l’auront adopté. L’assemblée nationale a donc outrepassé ses droits en publiant comme loi une constitution qui n’est qu’un projet. Elle a également outrepassé ses droits en voulant, sans autorisation, donner à l’Allemagne un empereur héréditaire. Aussi pour l’Autriche, désormais, l’assemblée nationale n’existe plus. » Voilà ce qui s’adresse à l’assemblée sous le couvert du roi de Prusse ; mais, dans cette note, il y a aussi quelque chose qui s’adresse au roi de Prusse directement, c’est la déclaration formelle que le roi de Prusse peut, comme membre de la confédération germanique, faire à l’Autriche toutes les propositions qu’il voudra, mais qu’il ne doit plus s’appuyer des vœux et des délibérations de l’assemblée de Francfort, parce que dorénavant, dit l’Autriche, « cette assemblée ne peut ni exercer d’influence sur des mesures tendant à la formation d’un nouveau pouvoir central, ni prendre part à des délibérations pour amener un accord sur la constitution qu’elle-même a déclarée achevée. »

Ce langage est clair : l’Autriche dit à la Prusse : Voyons ! décidez-vous. Voulez-vous parler comme on parlait dans l’ancienne Allemagne, avant 1848, de

  1. Vie de l’archiduc Jean d’Autriche, par Schneidawind. Schaffouse, 1849.