Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/768

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la lettre du président de la république, ajoutant, comme nous, qu’il vaut mieux soutenir les siens que de les désavouer. Voilà toute l’affaire, et voilà la grande conspiration qui doit être punie, selon les montagnards, par la déchéance du président de la république, « de ce coureur d’aventures, dit le Peuple, arrivé par l’intrigue au premier poste de l’état ; » l’intrigue, vous le savez, de six millions de suffrages !

Essayons de fixer quelques-uns des points capitaux de ce débat, dont l’Italie et la lettre du président ont été le prétexte.

Dans les gouvernemens démocratiques, les généraux d’armée ont une obligation de plus que dans les autres gouvernemens : c’est l’obligation de ne jamais essuyer d’échec, si petit qu’il soit. Une de leurs patrouilles est-elle battue ? aussitôt la trompette d’alarme retentit. Telle est l’histoire du général Oudinot. Il a cru que Rome était disposée à lui ouvrir ses portes. Rome a résisté ; mais cette Rome, quelle est-elle ? Est-ce la vraie population romaine ? ou bien est-ce ce rassemblement de démagogues de tout genre qui, chassés de toute l’Italie qu’ils ont perdue par leurs folles violences, ont fait de Rome leur dernier refuge ? Il y a en Europe en ce moment une population qui n’a point de patrie, qui n’est ni française, ni allemande, ni italienne : c’est la tribu de la démagogie, qui va partout compromettre la cause de la liberté et ressusciter par contre-coup le pouvoir despotique. C’est cette tribu qui règne à Rome et qui s’y barricade contre nos soldats ; c’est cette tribu que la montagne à Paris appelle la république romaine et le peuple romain. Il a plu même à l’assemblée nationale, dans un moment d’erreur panique, de déclarer que le général Oudinot, en attaquant Rome, avait détourné l’expédition du but qu’elle devait avoir. Étrange déclaration ! De deux choses l’une cependant : il faut reconnaître le triumvirat romain et il faut le soutenir, ou bien il faut y substituer un gouvernement libéral et régulier. C’est ce gouvernement libéral et régulier que nous voulons fonder à Rome, de concert avec le pape. Tel est le but de notre expédition. Que fait donc l’échec du général Oudinot, si tant est qu’il ait subi un échec ? Change-t-il nos intentions ? Fait-il que le gouvernement du pape, libéralisé par nos conseils et par notre appui, ne soit plus celui que nous voulons ? Le gouvernement des triumvirs est-il plus légitime à nos yeux depuis qu’il nous a tiré des coups de fusil ? Si nous étions entrés à Rome sans coup férir, qu’eussions-nous fait ? Nous eussions rétabli le gouvernement pontifical, en stipulant les garanties libérales que le temps comporte. C’est là encore ce qui nous reste à faire à Rome ; c’est là le vrai but de notre expédition. Les déclamations de la montagne et les résipiscences de l’assemblée n’y peuvent rien changer.

Ces déclamations seulement doivent nous apprendre à mieux connaître encore les grands citoyens de la démagogie. Ils se proclament de temps en temps les dépositaires uniques du patriotisme. Quels patriotes ! et comme on a bien vu que leur patrie ce n’est pas la France, mais la démagogie ! Ce sont des sectaires ; ce ne sont plus des citoyens. Quel empressement à lire les bulletins de l’étranger, quand ils racontent nos échecs ! Quels récits de l’enthousiasme belliqueux des Romains ! Le Peuple rapporte une lettre qui contient ces mots : « Le quartier de Trastevère entier, enfans, hommes et femmes, est en armes aux barricades, les femmes menacent, après avoir épuisé tous moyens de défense,