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s’appliquait ainsi aux relations entre le Schleswig et le Holstein, sans que l’on dût entendre par là une unité organique, un tout indivisible, et de manière que ce fût seulement une union paisible sans division.

Ne pourrait-on pas aussi rapporter les mots en litige à l’indivisibilité de chacun des deux pays ? On ne doit pas oublier que la stipulation de l’indivisibilité individuelle était indispensable particulièrement à l’égard du Holstein, qui, auparavant, avait été si souvent morcelé, au préjudice des populations.

Il est une dernière interprétation, qui pourrait bien contenir plus de vérité que toutes les autres : c’est qu’en employant les termes qui constituent le sujet du débat, on n’aurait songé ni à une union réciproque entre les deux duchés ni à l’indivisibilité de chacun d’eux, mais que par le mot pays (Landen) on aurait entendu domaines (Landschaften), c’est-à-dire les domaines qui, sur les deux territoires, étaient possédés par les prélats et les nobles. Il ne faut pas confondre ces domaines avec les districts de paysans qui forment la majeure partie du territoire des duchés, et où le pouvoir du souverain ne se trouve pas restreint par des privilèges, comme dans ceux des prélats et de la noblesse. Un fait milite en faveur de ce système, c’est qu’avant de parler de l’indivisibilité des duchés on parle de la conservation de la bonne paix dans ces pays, ce qui, selon toute vraisemblance, se rapporte à leurs parties domaniales, attendu que la paix ne pouvait être troublée que par l’exercice du droit de guerre, appartenant à la corporation (Mannschaft). Ainsi ce grand principe d’unité, auquel on attribuait une si vaste portée, se réduit à un simple privilège d’états, qui accorde aux nobles du Schleswig et du Holstein, et à leurs possessions, l’indivisibilité déjà octroyée en 1397, c’est-à-dire la promesse qu’aucun de ces corps de noblesse ne pourrait être divisé sous divers seigneurs.

On objecte que l’union réelle et indissoluble pourrait aussi ressortir de quelques autres dispositions de la charte de 1460, et parmi ces dispositions l’on allègue d’abord l’élection en commun d’un souverain. De ce que deux pays sont placés sous le gouvernement d’un seul prince, il ne s’ensuit pas, dans le régime de la féodalité, qu’il existe entre eux une union territoriale ; le lien qui les attache est simplement personnel. Du point de vue de la légalité féodale, il est indifférent que ces deux pays aient un souverain unique en vertu d’une loi sur l’hérédité ou en vertu d’une loi électorale commune aux deux territoires. L’accord de 1466, conclu par le conseil du royaume de Danemark avec la noblesse du Schleswig et du Holstein, stipule que, dans le cas où le roi Christian les laisserait plusieurs fils, les états des trois pays se réuniraient à l’effet d’élire en commun un de ces fils pour leur seigneur. Cette convention, eût-elle même reçu plus tard tous ses effets, n’aurait pu constituer une union territoriale des trois pays, mais seulement une réunion éventuelle dans nu cas déterminé.

Aussi bien, l’acte de 1460, en octroyant aux duchés la jouissance commune de certains privilèges, a maintenu sur d’autres points un état de choses qui exclut toute pensée d’une union réelle entre ces deux pays. C’étaient d’abord les vieilles relations de vassalité dans lesquelles le Schleswig se trouvait à l’égard du Danemark et le Holstein à l’égard de l’empire d’Allemagne. La dissolubilité de l’union ne se trouvait pas seulement dans la condition diverse, dans la destinée distincte offertes à chacun des deux fiefs, mais aussi dans les différences que présentait la constitution féodale de l’un et de l’autre. Le Schleswig était un