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elle-même, elle aurait dû dire : La corporation des trois pays sera réunie de manière à former un tout ; car jusqu’alors elle n’était pas réunie, et ne pouvait par conséquent demeurer telle. Que s’il restait à cet égard quelques doutes, l’histoire des temps postérieurs les dissiperait ; car elle ne fait aucune mention de diètes nouvelles qui auraient été plus tard tenues en commun par les corporations des duchés. Tout au contraire, en 1448, Adolphe, duc de Schleswig et comte de Holstein, ayant ordonné une prestation d’hommage en faveur de son neveu Christian d’Oldenbourg, élu roi de Danemark sous le nom de Christian Ier, cet acte d’hommage fut accompli, non en commun, mais par chacune des corporations séparément.

La mort d’Adolphe, en 1459, ouvrit le champ aux contestations qui devaient aboutir à cette fameuse charte de 1460, sur laquelle le parti allemand espère triompher. Le roi Christian réclamait l’héritage comme plus proche cognat et par préférence aux agnats de la maison de Schauenbourg, mais il ne le réclamait qu’à titre électif. Il avait à lutter contre un parti puissant et hostile, soudoyé par les prétendans qui lui disputaient cet héritage, et il ne put vaincre cette résistance qu’au prix de grandes concessions ; de là la charte de 1460.

Voici la traduction littérale du passage d’où l’on veut tirer le principe d’une union réelle et perpétuelle entre le Schleswig et le Holstein : « Ces pays susmentionnés, nous nous engageons de tout notre pouvoir à les maintenir en bonne paix, et nous promettons qu’ils resteront éternellement ensemble non partagés. Pour cette raison, aucun ne fera la guerre à l’autre, mais chacun se contentera du droit. »

Une réflexion se présente tout d’abord, si l’on attribue à cette stipulation le sens d’une union réelle : comment, dans l’état des rapports de vassalité du Holstein à l’égard de l’empereur et de l’empire d’Allemagne, comment le roi de Danemark aurait-il pu stipuler de lui-même sans l’agrément préalable de l’empereur ? N’est-il pas vrai d’ailleurs que ce contrat n’aurait pu devenir valable que si la seigneurie du Schleswig et celle du Holstein s’étaient trouvées réunies dans les mains d’un seul et même héritier féodal, et encore à la condition que cet héritier féodal n’aurait pas, par quelque félonie, autorisé son suzerain à lui retirer le fief ?

Quoi qu’il en soit, la prétendue indivisibilité des deux duchés n’existait déjà plus peu d’années après, sous les fils de Christian Ier. Elle se trouve en effet implicitement abolie par le partage opéré en 1490, sans qu’il soit fait mention de cette loi fondamentale, et sans que ce changement ait été préalablement demandé ni accordé. Cette loi, qui n’a pas été prise en considération dans ce premier partage des duchés, ne l’a pas été non plus dans les partages postérieurs. N’était-ce pas agir comme si l’on n’en eût pas même supposé l’existence ?

En présence des contradictions de fait et des contradictions logiques que rencontre le commentaire allemand, ne serait-il pas possible de trouver pour cette charte de 1460 une explication plus simple et plus rapprochée de la vraisemblance ? Ne pourrait-on pas supposer d’abord que le mot non partagés (ungedelet) ne signifie pas une indivisibilité civile ? Il s’agissait de la paix territoriale ; les pays devaient être maintenus en bonne paix, non partagés, unis, non divisés en parties ; chacun devait se contenter de son droit et en réclamer la protection auprès des fonctionnaires institués. Quoi de plus sensé ? L’état de paix et d’indivisibilité