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Ainsi, tandis que, d’un côté, l’Allemagne invoque le droit des races dans la pensée de se reconstituer sous une forme nouvelle, de l’autre, elle prétend tirer de la poussière de ses archives les preuves d’un droit d’héritage féodal sur une portion du Danemark et de la race scandinave. Où réside le vrai droit ?

La solution de la question est, quant à présent, remise à la force. Après une guerre terminée par un armistice laborieusement négocié, reconnu à Francfort à grand regret et malgré les protestations armées du radicalisme conquérant, après sept mois de démarches diplomatiques conduites à Londres avec une grande activité par le cabinet de Copenhague, l’armistice conclu en août dernier vient d’être rompu en mars, et nous assistons aux débuts d’une nouvelle campagne. Entre la race scandinave et la race germanique, c’est presque une guerre civile, et les hostilités ont pris, en effet, dès l’origine, le caractère d’acharnement propre aux guerres de cette nature ; lutte d’autant plus regrettable et plus douloureuse, qu’elle est engagée à forces bien inégales et que le droit ne semble pas être du côté vers lequel la fortune menace d’incliner !

L’initiative de la rupture de l’armistice a été prise par le Danemark sous l’influence de deux graves considérations. D’abord, l’administration mixte instituée dans les duchés était en opposition directe avec le gouvernement danois et avec les populations danoises de Schleswig, au point de pouvoir donner lieu à des conflits sanglants. C’était pour le Danemark un devoir d’aviser. D’autre part, en recommençant les hostilités avec la saison, le Danemark conservait l’unique avantage que sa position lui assure contre les armées de la confédération germanique, la ressource de l’action maritime. À la vérité, peut-être croyait-il que la perspective d’un blocus dont l’effet immédiat est de paralyser le commerce de l’Allemagne, et qui a pour de certains centres commerciaux, tels que Hambourg, toute la portée d’un grand désastre, amènerait les pouvoirs allemands dans la voie des négociations sincères et définitives. Le Danemark s’est trompé dans cette espérance. Le parlement de Francfort ne s’est point laissé arrêter par la crainte de catastrophes commerciales : le Jutland est envahi, et la flotte danoise répond à cette invasion par un redoublement de sévérité dans le blocus.

Le Danemark cependant persiste à négocier. Son plénipotentiaire est toujours à Londres, où les conférences se sont ouvertes ; il en appelle toujours à la discussion pacifique des droits et aux garanties accordées autrefois et renouvelées récemment par la France, l’Angleterre et la Russie ; mais, de son côté, la confédération germanique s’acharne dans ses propositions inacceptables, qu’elle appuie sur des chartes surannées, plus concluantes à ses yeux que toutes les considérations de droit moderne, de garanties et d’équilibre européen. Que serait-ce si l’érudition des feudistes s’était trompée sur le sens même de ces diplômes, s’il était démontré qu’elle a joué à la diplomatie le tour perfide de lui fournir des citations et des faits suspects, des commentaires en guise de textes ? Or, cette démonstration a été précisément essayée avec une clarté lumineuse par l’écrit dont nous avons donné plus haut le titre et dont la consciencieuse érudition nous laisse pour notre part entièrement convaincu.

La doctrine du parti qui veut le démembrement du Danemark repose tout entière sur cette allégation, que les duchés auraient été, en 1460, légalement et officiellement unis par un lien indissoluble, et formeraient ainsi un état indivisible : c’est l’argument sous lequel l’Allemagne couvre son intervention armée