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qu’il ne réussissait pas sur la droite de cette position, l’ennemi chercha à la tourner en même temps par la gauche, et tout le mamelon fut couvert d’une pluie de projectiles, tandis que le reste de la ligne de bataille était tenu en respect par un combat de tirailleurs et d’artillerie.

Au plus fort de l’action, les officiers-généraux de la suite du roi rivalisèrent d’énergie avec les officiers d’état-major du général Chrzanowski pour encourager les troupes, raffermir les soldats ébranlés et porter les ordres. Le colonel Brianski prodiguait son active intelligence sur tous les points ; le vieux marquis Scati voyait son chapeau traversé d’une balle, et, au moment où il y portait la main, un éclat d’obus le lui emportait ; alors ce vieux guerrier, mettant un mouchoir autour de sa tête, tirait son épée et chargeait avec la cavalerie. On peut dire sans exagération que, sur ce point, la suite du roi et l’état-major général se sont exposés avec la plus entière abnégation et le plus admirable héroïsme.

Le roi promenait ses regards sur la scène imposante qui se déroulait devant lui ; de temps à autre il consultait des yeux le général Chrzanowski, qui, voyant cette nouvelle attaque repoussée, parut lui donner bonne espérance. Dans cet instant, un soldat du train arrive à cheval, poussant devant lui deux prisonniers. Il s’arrête devant le roi, lui dit, encore tout enivré du combat : « Maesta, son io che ho fatto questi due prigionieri ! l’ho scapato per miracolo… Ah ! misericordial… » Et il tombe frappé à mort d’une balle qui, sans lui, allait atteindre le roi en pleine poitrine.

Presque au même instant on voyait passer le général Perrone porté par quatre soldats ; ce brave vieillard était frappé mortellement d’une balle à la tête. En voyant ce général tomber, les troupes manifestèrent quelque hésitation ; l’ennemi en profita, et bientôt on le vit, refoulant nos tirailleurs, s’avancer de nouveau sur la Bicocca. La brigade de Cuneo et deux bataillons de chasseurs de la garde arrivèrent alors, ainsi que deux bataillons pris à la deuxième division par le colonel Brianski, et l’ennemi ne put accomplir son projet ; mais à chaque instant le feu de son artillerie devenait plus meurtrier. Déjà nous avions dépensé la plus grande partie de nos réserves, et on commençait à douter que nous pussions nous maintenir en position, lorsque les Autrichiens, tentant un nouvel effort, nous refoulèrent une troisième fois et nous forcèrent à faire entrer en ligne la deuxième brigade de la quatrième division. Le duc de Savoie avait amené lui-même la brigade de Cuneo au feu, et le duc de Gênes, qui n’est jaloux de son frère que lorsqu’il s’agit d’exposer sa vie, prodiguait vaillamment sa brillante jeunesse. Le roi regardait avec orgueil ces deux jeunes princes, héritiers de son courage martial, qui semblaient, comme lui, décidés à donner leur vie pour le triomphe des armes piémontaises. Hélas ! tant de courage, tant