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matinée sur la route de Pavie, à très peu de distance en avant de Mortara. À partir de midi, elle s’était tenue en bataille, prête à recevoir l’ennemi. La division de réserve arrivait à son tour vers une heure et se plaçait un peu en arrière de la ville. Il est à présumer que, voyant la journée s’écouler sans que l’ennemi parût et entendant la bataille engagée sur la Sforsesca, ces troupes ne croyaient plus à une attaque, lorsque, vers cinq heures et demie du soir, les Autrichiens se montrèrent, mirent une nombreuse artillerie en batterie et ouvrirent un feu meurtrier sur la première ligne mal protégée par le terrain. Surpris par cette attaque subite, les tirailleurs reculèrent rapidement ; un bataillon se débanda à leur exemple et commença à jeter du désordre dans toute la ligne. Cependant un autre bataillon vint prendre sa place, le combat s’engagea plus régulièrement, et on fit avancer un régiment de la division de réserve qui, en bouchant un vide imprudemment laissé, rendit confiance à la troupe. L’attaque de l’ennemi, protégé par le feu d’une nombreuse artillerie, fut des plus impétueuses. Par malheur, la position choisie par le général Durando offrait le grave inconvénient d’être trop rapprochée de la ville et d’être coupée en deux par un large canal qui permettait très difficilement de communiquer d’une aile à l’autre. Vers six heures et demie du soir, l’ennemi, s’étant formé en colonnes d’attaque, se jeta vivement sur la position Mes lignes furent culbutées sans pouvoir se porter mutuellement assistance par suite des empêchemens du terrain, et les Autrichiens pénétrèrent dans la ville de Mortara pêle-mêle avec nos troupes. L’obscurité était profonde, le combat se continuait corps à corps dans les ténèbres, les officiers cherchaient en vain à reconnaître leurs soldats ; des plaintes, des menaces proférées tour à tour en allemand, en hongrois, en italien, se croisaient dans les airs ; les équipages, entassés dans les rues, s’opposaient à l’évacuation de cette fatale ville ; les soldats piémontais, séparés les uns des autres, s’enfuyaient au hasard dans les ténèbres. En vain le général Alexandre La Marmora, le général Durando et spécialement le duc de Savoie s’efforçaient de rallier les troupes : la cohue était trop grande, et le combat, se continuant dans les rues et autour de la ville, augmentait l’horreur de cette scène lugubre. Des flots de sang coulaient dans les rues, sans que ceux qui le répandaient fussent bien certains d’avoir frappé un ami oui un ennemi. Enfin, vers deux heures du matin, Mortara fut évacuée, mais non sans des pertes sensibles. Près de 2,000 prisonniers et 5 canons restèrent au pouvoir de l’ennemi avec plusieurs caissons et une partie du bagage de la première division. Plusieurs officiers supérieurs furent tués, le brave général Bussetti blessé d’un coup de sabre, nombre de soldats tués, soit par les balles, soit par la baïonnette : mais la force des deux divisions se trouva surtout réduite par la grande quantité de soldats et d’officiers qui, séparés