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On enjoignit aux autres divisions de se mettre en marche le 21, à la pointe du jour : la division de réserve pour Mortara, la troisième pour Gambolo, la quatrième pour Vigevano, en suivant la troisième, la brigade Solaroli avant ordre de se porter au pont de Buffalora. De la sorte, on pouvait compter que, les Autrichiens devant, selon toutes les probabilités, n’arriver en présence des troupes piémontaises que vers onze heures au plus tôt, la deuxième division, avec quatre bataillons laissés sous Vigevano la veille, serait de force à leur résister jusqu’à l’arrivée du reste de l’armée. Quant à Mortara, on pouvait être sûr que l’ennemi n’y parviendrait pas avant trois heures de l’après-midi. On se regardait donc comme en mesure de faire face à tous les événemens.

Le 21, à onze heures, le roi arrivait à Vigevano. Ce prince avait dans son état-major particulier la plupart des mêmes personnes qui l’avaient accompagné pendant la dernière campagne. On voyait près de lui le marquis de la Marmora, prince de Masserano ; le marquis Scati, vieillard dont la moustache blanchie et le visage plein de bonté inspiraient le respect ; les deux frères Robillant, véritables représentans de cette ancienne noblesse piémontaise, toujours présente sur les champs de bataille et habituée à se serrer, dans le danger, près des membres de la maison de Savoie. Le général Giacomo Durando, nouvel aide-de-camp de Charles-Albert, étant très malade, suivait dans une voiture avec M. Cadorna, ministre responsable près du roi. Ce ministre ne paraissait pas, comme le comte Lisio, sur le champ de bataille ; ce n’était pas son rôle, et il se soumettait sans effort aux exigences de sa position officielle.

Comme on avait prétendu que l’escorte du roi était une gêne pendant la dernière campagne, ce prince, dont l’abnégation personnelle était entière, n’avait auprès de lui que soixante carabiniers, et pour officiers d’ordonnance que deux officiers de cavalerie. Cette suite était bien modeste ; mais qu’importait au roi Charles-Albert, pourvu qu’il fût au milieu de ses troupes et le premier à braver les dangers ? D’ailleurs, l’état-major général grossissait presque toujours son cortège. Cet état-major avait pour chef le général Alexandre La Marmora ; il se composait du général Cossato, sous-chef d’état-major ; du colonel Carderino ; du colonel Brianski, Polonais ; du major Basso ; du major de Villa-Marina ; des capitaines Battaglia, Martini, Taverna, tous trois Lombards ; du duc de Dino, Français ; du marquis Cova ; de M. Dorson, jeune officier savoyard très capable ; de M. Sizomioth, Polonais : du lieutenant Balucanti, Lombard ; du prince Czartoriski, fils du noble émigré polonais ; enfin, du prince Pio Falco, Espagnol, et du comte Vénier, noble de Venise.

Vers une heure de l’après-midi, le canon se fit entendre dans la direction de San-Ciro. Le général Chrzanowski parcourait le terrain,