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la marche par Oleggio ou celle par la rive droite du Pô : l’une et l’autre offraient de trop graves dangers sans présenter la perspective d’assez prompts avantages. On devait donc supposer qu’en cas d’offensive de leur part ils se décideraient pour une pointe, soit par Pavie, soit par le pont de Buffalora. L’attaque par Pavie était fort audacieuse, militairement parlant, car l’armée autrichienne devait livrer bataille avec un fleuve en arrière d’elle à courte distance, un autre fleuve à sa droite, forcer en outre le passage du Gravellone, sans avoir d’autre issue, en cas de retraite, que le pont de Pavie et ceux qu’elle aurait jetés, dans un espace fort limité, sur le Tessin et sur le Gravellone. En cas de revers, elle courait donc risque d’être entièrement détruite. Il est assez probable que le général autrichien eût choisi une meilleure ligne d’attaque, s’il n’eût été préoccupé de pensées d’un autre ordre. Les préoccupations qui le décidèrent me semblent avoir été : d’abord, la crainte de l’insurrection qui, tourbillonnant autour de son armée, aurait pu démoraliser le soldat, tandis que, tenant son armée flanquée de deux fleuves, il l’isolait en partie du danger d’être harcelée pendant la lutte par des bandes d’insurgés ; ensuite, la nature de la contrée lombarde qui, sillonnée de canaux, de lignes d’arbres, de rivières, rend très difficile un mouvement de retraite ; enfin, l’espoir qu’en cas de succès, il coupait l’armée piémontaise de sa base d’opérations, la refoulait sur le lac Majeur, et s’ouvrait d’un seul coup la route de Turin et celle d’Alexandrie. On doit ajouter aussi que, maître des deux rives du Tessin à Pavie, il s’épargnait une difficulté, car il n’avait plus à forcer le passage de ce fleuve. Quant à l’entrée en Piémont par le pont de Buffalora, elle était, au point de vue militaire, moins périlleuse que l’entrée par Pavie. Il fallait, il est vrai, vaincre de front l’armée piémontaise ; mais, en cas de non succès, on trouvait dans les positions qui dominent le Naviglio la possibilité d’arrêter la poursuite du vainqueur, et conséquemment d’assurer sa retraite.

Il est à présumer que le général Chrzanowski pesa toutes ces probabilités et l’avantage de ces différentes positions, car les troupes piémontaises, le 20 mars, semblent avoir été distribuées de façon à parer à ces deux hypothèses d’attaque de l’ennemi, aussi bien que pour faciliter au besoin l’offensive et la marche vers Milan. L’armée piémontaise, de son côté, pouvait choisir entre trois plans de campagne : le premier consistait à marcher par les duchés, le second à attendre l’ennemi, le troisième à pousser droit en Lombardie. Marcher par les duchés, c’était découvrir le Piémont sans arracher la Lombardie à ses angoisses, reculer l’heure de la bataille et rapprocher l’ennemi de ses points d’appui et de retraite. Attendre l’ennemi, cela ne pouvait cadrer avec la mission d’une armée libératrice ; on pouvait attendre long-temps ;