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Les chansons, les satires, les pamphlets pleuvaient sur Walpole. On lui reprochait jusqu’à sa prédilection pour la cuisine française. Il y a une caricature intitulée l’Équilibre du pouvoir, où figurent Walpole et le cardinal Fleury, assis tous deux devant une balance. Le ministre français met une épée et un trident dans le plateau qui penche, et le ministre anglais jette vainement dans l’autre plateau des liasses de traités. Dans un coin, le coq gaulois est perché fièrement sur la tête du lion britannique endormi. Une autre caricature représente le lion et l’unicorne de l’Angleterre la tête basse et marchant péniblement avec des chaussures françaises.

Pour subvenir aux dépenses d’une armée permanente, Walpole voulut établir l’impôt de l’accise. Ce fut le sujet d’une opposition formidable, qui éclata dans les caricatures et dans les chansons comme dans le parlement. On faisait alors beaucoup de politique sur les éventails ; il y en a un qui représente le ministre traîné dans sa voiture par un monstre fabuleux à plusieurs têtes appelé l’accise. Le monstre, par ses nombreuses gueules, engloutit des morceaux de mouton ou de jambon, des tasses, des verres, etc. ; et une de ces têtes, retournée vers la voiture, y verse une pluie d’or. Il y a une chanson qui paraît servir de commentaire à ce dessin : « De l’argent pour de la cavalerie, pour l’infanterie, pour des dragons, des bataillons, des plantons ; les taxes augmentent et le commerce est ruiné. Voyez ce dragon, l’accise ! Il a dix mille yeux et cinq mille bouches, des dents aiguës, de larges mâchoires, et un ventre grand comme un magasin. Il commence par prendre du vin et des liqueurs ; mais donnez-lui cela, et le glouton va rugir pour du mouton ; il vous prendra votre bœuf, votre pain, votre lard, votre oie, votre cochon, et il avalera tout, pendant que le travailleur mâchera des racines. »

Le mécontentement populaire se manifesta d’une manière si menaçante, que Walpole fut obligé de retirer son projet ; mais ce qu’on appela « l’agitation de l’accise » se prolongea long-temps encore. Il y eut aussi à cette époque une croisade populaire contre les péages, semblable à celle que nous avons vu faire dans le pays de Galles, il y a quatre ou cinq ans, par « Rébecca et ses filles, » c’est-à-dire que les insurgés s’habillaient en femmes et se noircissaient la figure.

Vint ensuite « l’agitation du gin, » qui s’éleva lorsque le parlement, pour arrêter les progrès croissans de l’ivrognerie, frappa le genièvre d’un droit considérable et en interdit le débit dans les rues. Les patriotes dans la chambre, et les liquoristes au dehors, firent au bill une opposition des plus vives. C’était naturellement un des sujets les mieux choisis et les plus heureux pour faire du bruit dans la rue. Il y eut un déluge de chansons et de complaintes sur « la mère Genièvre. » On célébra publiquement ses funérailles, qui furent suivies par un grand