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de renvoyer son orchestre ; mais son masque, s’avançant aussi, s’écria d’un ton lamentable : « Sire, c’est la faute de ce diable qui m’a pris mon visage. » Sur quoi le malheureux directeur pâlit et faillit s’évanouir. Il ne revint à lui que lorsque sa doublure se fut démasquée ; mais il entra dans une telle colère, qu’il se jeta dans un fauteuil, ordonna d’éteindre la scène, et jura qu’il ne rouvrirait pas l’opéra à moins que le masque et le moule ne fussent brisés sous ses yeux. Cet Heidegger eut l’honneur de servir de sujet aux premières caricatures de Hogarth, vers 1723. Il ne manqua pas même à cette époque son abbé Chatel. Celui de 1726 s’appelait Henley ; il joua aussi la comédie d’une église qu’il appela primitive, dans laquelle il officiait en habits sacerdotaux. Les journaux ont conservé dans leurs annonces quelques-uns des titres de ses sermons. Henley prenait pour textes, par exemple « Lequel, de l’homme ou de la femme, est la plus belle créature ? » Ou bien encore : De osculis et virginibus.

Mais ce fut surtout sur Walpole que s’exercèrent et les caricatures et les pamphlets. Robert Walpole fut ministre pendant vingt-deux ans ; pendant long-temps il avait eu pour allié William Pulteney ; mais Pulteney, ne se trouvant pas assez bien partagé, rompit avec lui, fit une scission dans le parti de la nouvelle dynastie, et, s’unissant à Bolingbroke et aux anciens légitimistes, fonda un parti qui prit le nom de « patriote. » L’Angleterre, sous le long ministère de Walpole, jouissait de la paix à l’extérieur et de la tranquillité et de la prospérité à l’intérieur. Naturellement le ministère fut accusé au-dedans de corruption, au dehors de trahison. Les patriotes avaient compté sur de nouvelles élections, mais celles-ci renvoyèrent à la chambre une majorité ministérielle considérable ; dès-lors ce fut, et dans leurs journaux et dans leurs caricatures, une majorité vénale et vendue au ministère, comme le ministère était vendu lui-même à l’étranger, c’est-à-dire à la France. L’auteur du livre dont nous parlons ici, M. Wright, fait à ce sujet quelques réflexions que nous ne pouvons nous empêcher de citer « L’opposition, dit-il, s’élevait surtout contre la politique étrangère du ministère, qu’elle accusait d’engager le pays dans des querellés continuelles, et de sacrifier les intérêts anglais au dehors pour l’intérêt particulier du roi et de ses possessions hanovriennes. Avec un parfait mépris pour la vérité et l’honnêteté (qui, il faut bien le dire, ne semblent pas avoir été très respectées par aucun parti dans ce temps corrompu) et pour satisfaire uniquement à des ressentimens et à des intérêts personnels, aussitôt que le gouvernement prenait une attitude menaçante, l’opposition criait très haut pour la paix, et, dès qu’il s’attachait à maintenir la paix, elle demandait à grands cris la guerre. La paix fut néanmoins conservée par la modération et la persévérance des cours de France et d’Angleterre, » Nous rappelons qu’il s’agit de l’histoire de 1727.