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REVUE DES DEUX MONDES.
LA REINE.

Quoi ! vous pourriez ?… Mais c’est affreux !

LE ROI.

Et qui peut empêcher un accident en chasse ? N’avez-vous jamais vu de piqueurs éventrés ? Qu’y faire ?

LA REINE.

Un prince de votre sang !…

LE ROI.

Le sang ne parle guère quand il vient de si loin. Avez-vous des entrailles pour tous les pendards de ce monde ? Ils sont vos cousins, pourtant ; ils sont du sang d’Eve et d’Adam.

LA REINE.

François, mon cher François ! en ma présence… un crime aussi farouche…

LE ROI.

Un crime ! Et qui vous parle d’un crime ? Vous ne voyez donc pas que j’ai voulu rire ?…

LA REINE.

Vous pouvez rire de telles choses ?

LE ROI, élevant la voix.

Oui, j’en ris, et n’aime pas que vous en pleuriez, entendez-vous, Marie ? Vous aviez le cœur plus aguerri à Amboise, quand on lardait sous nos fenêtres ces coquins de huguenots. Mais la crainte d’un danger pour ce cher cousin… de Navarre… car c’est Navarre tout seul qui vous fait compassion, j’en suis bien convaincu !…

LA REINE.

François… mon ami !…

LE ROI.

Me voilà satisfait ; je sais d’où venait votre peine. Moi, c’est pour mon ami Condé que mon cœur saigne. Aussi je vais m’occuper de lui. J’aurai fait bientôt son affaire. Si mes oncles s’endorment, je les réveillerai. À tout à l’heure, Marie, tenez-vous prête ; dès que j’aurai fini, nous monterons à cheval. (Il sort.)



Scène VII.

LA REINE, puis STEWART.
LA REINE, se précipitant à genoux sur son prie-Dieu.

Ah ! mon Dieu ! (Elle reste à genoux, la tête cachée dans ses mains. — Au bout d’un moment, Stewart entr’ouvre la porte de l’oratoire et jette un regard dans la chambre. La reine l’entend, tourne la tête et s’écrie :) Stewart ! vous étiez là… vous avez entendu !