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pour paraître supérieur à ce qu’il fait. Il l’est où le vrai l’y amène ; il l’est souvent où il ne croit être que persuadé et de bon sens, et en ne voulant être que cela.

Je m’explique que M. Saint-Marc Girardin aime beaucoup Fénelon et Voltaire. On dirait qu’il a appris du premier le secret de l’aimable. Si les écrits procèdent les uns des autres, le Cours de Littérature dramatique procéderait de la Lettre sur les occupations de l’Académie française. M. Saint-Marc Girardin semble imiter de Fénelon sa douce morale ; n’imite-t-il pas aussi la petite faiblesse du précepteur du duc de Bourgogne, son penchant à moraliser ? Il a retenu de Voltaire le secret de l’agréable. L’agréable, c’est autre chose que l’aimable. Il s’y mêle un peu de cette raillerie si chère à notre pays, et si charmante quand elle est tempérée d’indulgence, si charmante même sans l’indulgence ; témoin Voltaire, qui certes fut toute sa vie plus complaisant qu’indulgent.

S’il est un style dans ce temps-ci qui rappelle celui de ces deux maîtres, c’est le style du Cours de Littérature. Voilà cette netteté, ce naturel, cette fermeté élégante, ce mérite de correction irréprochable qui se cache sous la facilité et l’abandon. C’est le même tour, la courte phrase, qui n’exclut pourtant pas la phrase abondante, quand le sujet le veut. Toutefois l’allure du soldat armé à la légère y domine, comme chez les deux maîtres. La plume qui a écrit le Cours de Littérature dramatique a fait long-temps la guerre, au premier rang, dans le Journal des Débats.

Sa langue n’a pas l’air d’être de ce temps-ci ; car ce qui date les langues, ce sont les défauts. Or., notre temps en a deux caractéristiques la prétention à l’imagination de style, et l’abus de ces mots excessifs qui sont à tout le monde et ne sont à personne, et que l’usage a fatigués, non en les employant bien, mais à force d’en user au hasard et hors de propos. La langue de M. Saint-Marc Girardin est pure de ce double vice ; elle lui appartient en propre. C’est le vêtement de l’honnête homme, comme le veut son modèle Fénelon. On ne décrira pas ce style ; il est bien heureux, il échappe à une définition. Les mots n’y avertissent pas des pensées ; ce sont les pensées qui font revenir aux mots, et l’on ne songe au bien dit qu’après avoir senti le bien pensé. Les figures n’y manquent pas ; car quel bon style est sans figures ? Seulement elles ne sont pas là pour faire briller ce qui est pâle, mais pour égaler la pensée qui s’élève ; c’est encore ce même vêtement de l’honnête homme, mais un jour de fête.

Je n’ai pas tout dit, tant s’en faut, ni de cet esprit charmant qu’on envie, qu’on dit heureux, qui sait l’être, ayant un goût si sain et un cœur si droit, ni de ce livre où il sait si bien faire les affaires du vrai sans paraître faire celles d’un auteur. Je veux pourtant prédire la fortune