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dont ils ont peint une passion ; elle compare les passages, non pour donner des rangs, mais pour éclairer par ces rapprochemens l’objet de son étude ; elle y ajoute ses propres pensées, et de ce travail de comparaison et de critique elle fait ressortir, comme conclusion, quelque vérité de l’ordre moral ; car tel est le dessein qu’elle se propose : tirer des lettres un enseignement pratique ; songer moins à conduire l’esprit que le cœur ; prendre plus de souci de la morale que du goût. C’est de la littérature comparée qui conclut par de la morale.

Mais pourquoi me fatiguer à la définir ? Quatre pages du livre de M Saint-Marc Girardin, prises au hasard, la font comprendre et aimer sans la définir. Elle est son œuvre ; c’est le fruit de son caractère et de son tour d’esprit. Si pourtant on voulait lui chercher un premier modèle, on le trouverait dans certains traités de Plutarque, et, chez nous, dans les charmans opuscules de Fénelon, quand il n’y dit pas de mal des vers de Molière et qu’il ne s’y plaint pas de la pauvreté de notre langue.

Esprit honnête, cœur droit, capable de tous les bons sentimens dont il étudie les expressions dans le drame, M. Saint-Marc Girardin n’écrit rien que d’expérience, et il ne donne pour vrai que ce qu’il s’approuve de sentir, ou que ce qu’il se ferait honneur d’avoir senti. Il n’a pas une morale pour lui et une pour les autres. L’écrivain ne déguise pas l’homme, et l’estime dont on est touché pour l’un fait qu’on s’abandonne aux doctrines de l’autre. La simplicité toujours égale de son langage ajoute à la confiance. L’homme qui veut paraître meilleur qu’il u’est n’a pas ce ton-là ; il procède soit par professions de foi, soit par anathèmes contre tous ceux qui ne sont pas tels qu’il veut paraître. Les instincts de M. Saint-Marc Girardin, sa raison, sa conduite, sont les seuls principes de sa critique ; c’est à la double lumière de sa conscience et de sa vie qu’il regarde les images que les auteurs dramatiques nous ont données du cœur humain.

Bon nombre d’écrivains reçoivent leur sujet des circonstances, du tour d’esprit du moment, du succès de certaines idées, de la mode, et ils écrivent à côté et en dehors d’eux-mêmes. D’autres ne font leurs livres qu’avec leur intelligence, laquelle semble distincte du principe qui les fait agir. On dirait un sanctuaire où ils entrent de temps en temps pour s’y recueillir et s’y épurer ; l’homme reste sur le seuil. Aux écrits des uns et des autres, malgré la séduction du talent, il manque le plus grand charme : ils n’y sont pas de toute leur personne. Je ne dis pas qu’il faille étaler sa vie dans ses livres ; car ceux qui paraissent si jaloux qu’on les voie cachent plus de leur vie qu’ils n’en montrent, et fardent tout ce qu’ils en laissent voir ; mais le meilleur livre est celui où il a transpiré de la vie de l’homme dans les pages de l’écrivain, non parce