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polynésienne, « a peep at polynesian life[1] », et non comme une invention agréable, que je l’ai relu. Avant de revenir à son dernier ouvrage, Mardi, suivons un peu le jeune mousse dans cette vallée inconnue des îles Marquises, au milieu d’une tribu de l’intérieur à peine visitée par les missionnaires, étrangère à la demi-civilisation que le contact européen a imposée aux indigènes des côtes, devenus des échantillons de barbarie prétentieuse et d’ignorance coquette. — M. Melville ne dit pas explicitement à quel titre il se trouvait si jeune à bord du baleinier américain la Dolly, qui fit relâche à Noukahiva en 1842. Il ne nous apprend pas non plus à quelles circonstances tenait le peu de faveur dont il jouissait auprès du capitaine Vangs, ni les motifs qui le déterminèrent à faire, aussitôt qu’il le put, l’école buissonnière, c’est-à-dire à déserter.


« Quand notre barque, dit-il, entra dans la baie de Tior, le soleil était à son zénith. Les grandes lames de l’Océan nous avaient mollement portés sous une chaleur accablante, et, comme nous n’avions pas d’eau avec nous, la soif nous dévorait. J’étais si impatient d’aborder qu’en approchant de la terre je me tins debout sur l’avant pour m’élancer sur la rive. Nous n’avions pas encore touché la plage que je sautai et nie trouvai entouré d’une petite armée d’enfans nus, qui criaient comme des démons et qui se mirent à mes trousses. Je traversai en


    deux brèves dans les deux pieds précédens. Il est vrai que Southey a donné de la vigueur à cette imitation impuissante et grossière du rhythme classique, et que les Allemands, les Danois et les Suédois, dont la prosodie est bien plus marquée et plus nette que celle des Anglais, ont quelquefois fait un usage heureux de cette forme étrangère :


    Mütterchen hatte mit Sorg ihr freundliches Stübchen gezieret
    Reine Gardinen gehaengt um Fenster und luftigen Alkov, etc.

    (Voss.)


    Le dactyle, élément indispensable de l’hexamètre, est fréquent en allemand et manque presque complètement à la langue anglaise, comme le dit très bien le grammairien Latham ; cette langue est remplie d’iambes et de trochées. Même ce qu’on peut nommer le dactyle de l’accent, c’est-à-dire une syllabe accentuée suivie de deux syllabes qui ne le sont pas, telles que merrily, steadily, se présente rarement. Dans la poésie allemande, au contraire, luftigen, eichenen, maschigen, sont d’excellens dactyles. Le faux-hexamètre anglais n’est supportable que si un bon lecteur le transforme au moyen d’une accentuation particulière ; quant au prétendu hexamètre de quinze, vingt ou seize syllabes de M. Longfellow, il serait tellement arbitraire que, pour l’admettre dans le cadre des vers virgiliens et homériques, il faudrait poser en principe que tout peut se scander en hexamètres, jusqu’à je suis / votre très / humble et / très obé / issant ser / viteur : ce qui, toute plaisanterie à part, est exactement le système hexamétral du critique anglais. Je le renvoie à ce sujet aux autorités anglaises que j’ai citées, et surtout à l’ouvrage excellent de Guest ; et je maintiens ce que j’ai avancé et ce que j’ai prouvé, — à savoir, que le poème de M. Longfellow, écrit dans un mètre qui n’est pas anglais, et sensé d’allitérations perpétuelles qui sont scandinaves, constitue une tentative d’importation étrangère et un essai de retour au vieux mode gothique de versification.

  1. Narrative of a four months’s residence among the natives of a volley of the Marquesas Islands, or a Peep at Polynesian life ; by H. Melville.