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Ces renseignemens authentiques ne m’étonnaient pas ; ils ne faisaient que confirmer mon opinion[1]. C’est donc comme un récit de voyages et non comme un rêve, comme un coup d’œil jeté sur la vie

  1. Mon opinion relativement au voyage de M. Hermann Melville et à l’authenticité des détails qu’il a donnés est consignée dans le Journal des Débats de 1846 (numéros des 20 et 22 juin). Un journal anglais se moqua beaucoup de ma crédulité ; je crus n’être trompé et je ne répondis rien. Un autre journal anglais, l’Athenœum (numéro 1121, samedi 21 avril 1840), ayant présenté récemment mes opinions sur le poème du poète anglo-américain Longfellow, Évangeline (voyez Revue des Deux Mondes du 1er avril) comme fondées sur deux erreurs philologiques et matérielles, je crois devoir réfuter sa critique en peu de mots. Le correspondant anglais de l’Athenœum me reproche d’avoir dit que l’Évangeline de Longfellow est un poème allitératif. On peut trouver, dit-il, des allitérations partout : Cela est vrai. On peut aussi trouver des rimes partout. Le vieil Homère ne rimait-il pas ? Voyez plutôt le premier vers de l’Iliade :

    Mênin-a-
    eide the-a-
    Pelei-a-
    deoû-A-
    chileôs, etc.


    Il serait puéril de soutenir que Tityre tu patulœ offre des allitérations parce qu’on y trouve deux t, deux u, deux b, deux a. À ce compte-là, comment vous portez-vous ? est allitéré ; on y trouve quatre o. Chez les hommes du Nord, la répétition de la même consonne frappant sur la racine accentuée des mots constituait une mnémonique dure et puissante dont la civilisation poétique moderne s’est éloignée, mais dont l’instinct populaire des races septentrionales se rapproche volontiers. Byron lui-même, disant :

    The prow spurns the spray,


    allitère ; mais c’est fort rare : aujourd’hui les poètes élégans du Nord écartent volontairement ce choc désagréable de sons durs et similaires. Que l’on examine les quinze premières lignes du premier ; poème venu, par Wordsworth, Byron ou Shelley, on n’y trouvera pas trois assonnances rapprochées de la même consonne. Or, dans le nouveau poème de Longfellow, que j’ai dit être allitératif, ce mode septentrional est partout mis en usage avec une obstination extraordinaire. Page 25, par exemple,

    vers 1er Crowing Cocks
           2 Whir of Wings
           3 Low as Love
           4 Looked with Love
           5 ARRayed with Robes of Russet
           6 Reign of Rest
           7 Day Descending Departed.


    Et ainsi de suite à travers tout le poème. Prétendre que ce rapprochement perpétuel ou écho, frappant sur les initiales des mots, est accidentel et de hasard, serait absurde : voilà pourtant ce que le critique anglais soutient contre moi. Il me reproche aussi très vivement de n’avoir pas reconnu l’hexamètre anglais chez M. Longfellow. Je suis parfaite=ment de l’avis de Walter Scott, de Disraëli père, de Gifford, du professeur Latham, du savant Guest (English rhythms), qui tous s’accordent à renvoyer l’hexamètre anglais parmi les mythes. En effet, l’hexamètre de M. Longfellow serait une chose fort singulière :

    Who on his birth-day is crowned by children and children’s children, etc.


    Vous trouvez là le mot children comme spondée à la fin, après l’avoir rencontré comme