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ne nous trompons guère de langage. Tous les docteurs du socialisme et du communisme parlent en prophètes et en révélateurs. Ils se font dieux et ils proclament leurs lois supérieures à toute conscience et à toute liberté. « Nous reconnaissons les principes du communisme au-dessus des majorités factieuses et oppressives. » Ailleurs, dans un manifeste du parti socialiste, nous lisons : « La république est au-dessus du droit des majorités. » Pauvre suffrage universel et pauvre souveraineté du peuple ! c’était bien la peine d’être proclamés avec tant d’éclat pour être niés bientôt avec tant de hardiesse par ceux mêmes qui répétaient d’un air mystique et dévot les mots de suffrage universel et de souveraineté du peuple ! On disait que si les gouvernemens s’ébranlaient et tombaient si vite dans notre pays, cela tenait à ce qu’ils n’étaient pas fondés sur le suffrage universel et sur la souveraineté du peuple. Eh bien ! aujourd’hui, la société n’a pas d’autre fondement que le suffrage universel et la souveraineté du peuple. Mais voici des sectaires qui déclarent que leur système est supérieur à tout. Le peuple est souverain, mais il doit se soumettre aux principes du socialisme et du communisme ; les Moïses de la démagogie l’ont décidé, et, du fond des estaminets qui leur servent de Sinaï, ils sortent radieux et hautains, et croient que tout genou doit plier devant eux. Comme il serait possible que le peuple s’étonnât et murmurât d’une souveraineté si esclave, les communistes ont à leurs ordres aussi un ange exterminateur prêt à châtier les impies. « Il faut, dit le placard, qu’une main vigoureuse, un homme convaincu, déterminé et capable précipite la société dans les voies véritables et ne dépose ses pouvoirs que lorsqu’on aura établi l’égalité absolue entre tous les hommes. »

Nous ne voulons pas clore la revue que nous faisons des affaires intérieures sans parler de l’installation du conseil d’état. C’est une grande expérience qui commence. Jamais, de l’avis unanime, loi ne fut plus mal faite que la loi du conseil d’état. Organisation confuse et mobile, attributions inexactes et indécises ; pouvoir politique qui dépend de la gracieuseté qu’aura l’assemblée législative de lui renvoyer l’examen des lois, pouvoir qui, par conséquent, n’a rien qui soit propre et indépendant ; pouvoir administratif qui ne peut servir qu’à gêner l’administration, parce qu’il n’émane pas de l’administration elle-même et n’est pas un degré supérieur d’examen et d’instruction pour les affaires, comme l’était l’ancien conseil d’état ; intervention maladroite de la politique dans les affaires et surtout d’une politique condamnée à être toujours posthume et arriérée, puisque la moitié du conseil d’état représentera toujours l’esprit de l’assemblée qui vient de finir et le représentera d’une façon imparfaite et, par conséquent, tracassière : nous n’en finirions pas si nous voulions énumérer tous les inconvéniens de l’organisation du nouveau conseil d’état. Quoi qu’il en soit, le voilà installé, et, comme il y a dans son sein des gens d’esprit, nous pensons qu’ils feront leurs efforts pour corriger dans la pratique les vices de l’institution. Ils y sont d’autant plus obligés que, comme ils ont un peu oublié de surveiller la création du nouveau corps, ils doivent donner plus de soins à son éducation.

Nous arrivons aux affaires étrangères. Quel spectacle ! quelle confusion ! L’Italie d’abord, l’Italie surtout ; nous nous occuperons prochainement de l’Allemagne. Ah ! si quelque chose peut augmenter la détestation publique qu’a partout encourue, en Europe, le parti démagogique, c’est le tableau de l’Italie telle qu’il l’a trouvée et telle qu’il la laisse. Il y a dix-huit mois, l’esprit libéral modéré animait partout