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doit devenir le programme du parti modéré dans les élections prochaines. Elle répond de la manière la plus heureuse à toutes les espérances de l’élection du 10 décembre 1848 ; elle les réalise et confirme l’idée salutaire et efficace que la politique suivie depuis cette élection par le gouvernement était la politique commune du président de la république et du ministère. On sait qu’avant le 29 janvier, il s’était inopinément formé dans l’assemblée je ne sais quel parti de courtisans du lendemain qui essayaient de gagner le président aux charmes de la république quasi-rouge. Ils espéraient le tenter à l’aide de cette politique qui a souvent séduit de bons esprits, et qui consiste à arriver par un parti et à gouverner par un autre. Le président a loyalement repoussé ces avances fallacieuses. Arrivé au pouvoir avec le parti modéré, ayant beaucoup donné à ce parti, c’est-à-dire lui ayant donné la popularité d’un grand nom ; ayant beaucoup reçu de ce parti, c’est-à-dire en ayant reçu la signification réparatrice qu’a eue l’élection du 10 décembre, il n’a pas voulu et il ne veut pas rompre l’alliance qu’il a faite entre le bonapartisme et l’ordre. Tout au contraire, il confirme chaque jour cette alliance, et sa lettre en est un éclatant témoignage.

Depuis le 29 janvier, les diverses nuances du parti républicain ont renoncé à séduire le président, et elles s’en consolent en suscitant tous les obstacles possibles aux ministres que le président soutient avec tant de fermeté ; mais un autre travail alors a commencé pour rompre l’union du parti bonapartiste et du parti modéré. On veut faire croire que le président a une arrière-politique, et qu’il attend les élections pour la mettre au jour. Cette politique serait contraire à celle qu’il a suivie jusqu’ici, et les habiles, ceux qui voudraient être dans la confidence du président, devraient commencer par répudier dans les élections tout ce qu’a fait jusqu’ici le président pour mieux approuver ce qu’on prétend qu’il veut faire plus tard. Ce sont ces finesses sans habileté que le président déconcerte par sa lettre du 10 avril.

Cette lettre fait plus : elle donne au parti bonapartiste la signification et la mission qu’il doit avoir. « Rapprocher tous les anciens partis, les réunir, les réconcilier, tel doit être le but de nos efforts. C’est la mission attachée au grand nom que nous portons, dit-il à son cousin ; elle échouerait, s’il servait à diviser et non à rallier les soutiens du gouvernement. » Ces paroles expriment aussi nettement que loyalement la vocation du parti bonapartiste en France. C’est le parti d’un grand nom ; mais ce grand nom est un nom d’ordre et d’organisation régulière. Si on veut faire un bonapartisme égoïste et personnel au lieu du bonapartisme conciliant et réparateur qu’a inauguré l’élection du 10 décembre ; si on veut s’approprier ce grand nom et s’en faire un moyen d’intrigue et d’ambition au lieu d’en faire la devise d’un gouvernement ferme et modéré ; si on veut faire du parti bonapartiste une caste avide et prétentieuse au lieu d’en faire chaque jour davantage le noyau d’un grand parti de gouvernement ; si on veut enfin opposer les prétentions d’une dynastie au pouvoir national de la présidence, le président laisse à qui voudra s’en charger la responsabilité d’une politique aussi peu loyale que peu intelligente : il la répudie hautement, et il déclare qu’il la combattra résolument ; et il a raison, car cette politique ne va à rien moins qu’à ruiner le bonapartisme, sous prétexte de le servir. Elle lui donne une base étroite et personnelle au lieu de lui laisser la base large et nationale que lui a donnée l’élection du 10 décembre. Le président a répudié la